juin 2014

Le vrai leader n’est pas celui qu’on croît

Que nous dit Derek Silver ? Le leadership est une notion idéalisée.

Dans un mouvement, le vrai leader n’est pas l’initiateur, mais celui qui le suit le premier suiveur qui permet à ce « marginal » de se transformer en leader.

Si vous voulez être un leader, ayez le courage de suivre un marginal qui fait quelque chose qui vous plaît et montrer aux autres comment suivre.

 

Le self made man est-il une illusion?

Malgré des conditions sociales défavorables, certains individus parviennent à échapper à leur milieu d’origine et démentent les lois de la reproduction sociale. Comment y parviennent-ils ?

Le mot « transclasse » est un mot inventé par Chantal Jacquet pour désigner les personnes qui ont connu une grande mobilité sociale, que ce soit dans l’ascension ou dans le déclassement. Il n’existe pas de mot dans la langue française pour nommer cette catégorie de personnes (l’anglais utilise class-passing).  Dans ce livre, elle s’intéresse particulièrement aux parcours qui vont dans le sens de la réussite, qui partent d’un milieu défavorisé pour arriver à une certaine élite. Or, on parle souvent des gens qui ont réussi comme de «parvenus» ou de « transfuges », ce qui sous-entend un jugement moral, insinuant l’idée de trahison ou d’allégeance politique aux dominants. 

Selon l’auteure, il n’y a pas de cause déterminante, première, qui pousse un individu à sortir de son milieu social, mais un faisceau de phénomènes concordants. L’ambition est l’un de ces phénomènes, mais, contrairement à l’idée répandue qui tient de la pensée du miracle ou du génie, ce surgissement n’est pas sans cause. On s’invente toujours à partir de quelque chose, et se forger des modèles de réussite permet d’ouvrir une brèche dans le milieu ambiant. Ces modèles peuvent être d’ordres différents, familiaux, amicaux, scolaires… Ce peut même être des personnages de fiction ou historiques. Mais, là aussi, un problème se pose : comment expliquer que deux enfants d’une même fratrie, élevés de la même manière dans le même environnement, n’adoptent pas les mêmes modèles et les mêmes comportements ? Il faut alors analyser la configuration familiale, la place qu’occupe chacun dans le groupe, etc. Il n’y a pas de modèle figé de réussite, mais toujours imbrication de plusieurs causes qui se croisent et se conjuguent. 

Chantal Jacquet s’inscrit en faux contre le mythe du self-made man et de l’individu qui ne devrait sa réussite qu’à son propre mérite. Selon elle, il existe tout un discours qui met en avant ces exemples de réussite, en disant qu’ils sont bien la preuve qu’avec du travail et de la volonté on arrive à tout. Mais ce volontarisme est profondément gênant, car il laisse entendre que chacun est toujours responsable de ce qu’il fait. Un individu est toujours en relation avec autrui, d’une manière ou d’une autre. Il n’existe qu’en situation. 

Toutefois, ce n’est pas parce qu’on a connaissance des codes de son nouveau milieu social qu’on se les approprie facilement. Ce sont deux choses différentes, car, pour les natifs des classes dominantes, ces codes sont inculqués dès l’enfance et deviennent une seconde peau. Pour les transclasses, la faute de goût est l’écueil qui menace en permanence. C’est d’ailleurs vrai dans les deux sens, un individu habitué à vivre parmi l’élite aura également du mal à décrypter le mode de vie des classes populaires. 

Ce décalage peut provoquer un certain malaise chez eux. La manière de vivre le passage d’un milieu à un autre varie selon les individus, mais on retrouve chez eux une fragilité qu’ils peuvent d’ailleurs retourner comme force.

Les Transclasses ou la non-reproduction, de Chantal Jaquet, PUF, 248 p., 19 €. 

Texte adapté d’un article de Marianne du 30 mai

Faut-il virer les managers ?

 

Si vous et vos collaborateurs avez  une mission claire, des moyens et une forte identification à l’entreprise, à quoi sert la hiérarchie ?

Ce thème, pas si provocateur qu’il n’y paraît, est devenu à la mode ces derniers temps au travers d’un certain nombre d’écrits, tant en France qu’aux USA.

Que dit Isaac Getz (Quand la liberté des salariés fait le bonheur des entreprises, Champs, 2013) ?

« Dans le monde du travail, la hiérarchie, le contrôle, la surveillance continue semblent bien la règle. Pourtant, mon enquête montre qu’il existe une autre manière d’agir et nous invite dans des entreprises où la liberté est devenue le principe de management. On y écoute les salariés au lieu de leur dire quoi faire. On les traite en adultes responsables au lieu de limiter les informations dont ils disposent et de faire contrôler chacun de leurs faits et gestes par une hiérarchie pléthorique. On encourage la prise de risque et l’initiative individuelle. La libération de l’entreprise est une transformation radicale et elle commence par l’abandon de l’égo par le N+1. Quant aux managers, certes, une partie ne sera pas très enthousiaste par la transformation qui leur ôte du pouvoir et les invite à devenir des leaders au service de leurs équipes. Ces managers, il faut les former, coacher, voire inviter ceux qui ne s’accommodent pas de ce changement à évoluer vers d’autres missions dans l’entreprise, tout en gardant leur salaire, bien sûr. »

En France, une entreprise comme celle de Michel Hervé fonctionne ainsi comme cela depuis 40 ans  et elle progresse régulièrement. Avec 2.800 salariés, elle est loin d’être une start-up balbutiante expérimentale.

Interview de Michel Hervé sur le titre provocateur de Gary Hamel (« virer les patrons ») (Source : http://www.collaboratif-info.fr) :

« Les virer non, mais les transformer oui ! L’élément essentiel, à mes yeux, est que les managers deviennent enfin ce qu’ils devraient être. Trop souvent, lesdits managers sont en effet plus chefs que managers. Ils prétendent décider de ce qui est bien et mal pour leur équipe, dire aux gens ce qu’ils doivent faire et comment, de sorte qu’ils déresponsabilisent leurs subordonnés. Dans mon groupe, manager c’est se concentrer sur la communication entre les personnes, créer du liant entre elles, faire émerger une vraie diversité de points de vue et des décisions collectives, etc. Ce qui veut dire cesser d’infantiliser des adultes censés être responsables mais leur apprendre à devenir entrepreneurs. » 

Mais alors, à quoi sert un chef?  Selon Maurice Thévenet, professeur au CNAM (Paris) : « Un chef n’a d’utilité que par la manière dont il exerce sa mission. Si on trouve une autre manière d’exercer cette mission,  il n’y a plus besoin de chef. »

Si cela marche ailleurs, pourquoi ne pas le faire ?

Qu’est-ce que le talent ?

Le magazine « Sciences Humaines » (avril 2014) a publié une interview approfondie de Pierre Michel Menger sur  : « Qu’est-ce qui fait le talent ? »

Il en ressort cinq conditions pour favoriser l’émergence et le développement durable du talent.

En préalable, Pierre–Michel Menger définit le talent  comme « un élément différentiel et non une propriété substantielle que l’on pourrait décrire et normer. » Le talent se traduit donc par une forme d’aptitude remarquable, d’excellence qui différenciera ceux qui en sont pourvus et ceux qui en sont moins pourvus.
Première condition : la prédisposition, le don, l’aptitude naturelle… Ce qui est intéressant, c’est que les prédispositions apparaissent assez tôt, mais que le différentiel d’aptitude dans un domaine donné (musique, peinture, communication, leadership…) entre les personnes détentrices d’un grand talent et celles qui en ont moins, n’est pas si important que cela. La prédisposition seule ou formulé différemment l’inné seul, n’expliquent pas l’émergence et le développement du talent. Ils y contribuent mais ils sont insuffisants.

Deuxième condition : bénéficier d’un environnement favorable. Si on se situe dans le monde de l’entreprise y-a-t-il une direction, un management, une culture d’entreprise…., qui œuvrent pour détecter et favoriser l’éclosion des talents ? Dispose-t-on de réseaux qui peuvent faciliter la mise en relation avec les personnes qui peuvent aider à exprimer ce talent ? Pour reprendre Pierre Michel Menger, disposer d’un environnement favorable permet de bénéficier « d’avantages cumulatifs » et « d’attribution de valeur ».
Troisième condition : être remarqué, bénéficier de retours positifs. C’est faire en sorte que les réussites, les succès soient remarqués par les autres (managers, collègues, partenaires, clients…) et fassent l’objet de feed-back positifs. Cette reconnaissance exprimée, cette « attribution de valeur », contribuent à renforcer la confiance en soi, la personne peut alors pousser son talent encore plus loin.

Quatrième condition : une capacité à vivre avec l’incertitude du résultat. Dès l’instant où l’on agit dans un monde en changement permanent, dans des activités où ce qui prédomine n’est pas la routine mais l’innovation, la création de différences, ça engendre une incertitude quant au résultat. Le talent suppose donc une capacité à se mettre en risques, en pari, en challenge, à accepter l’incertitude du résultat. Au niveau des organisations, il suppose l’acceptation d’un droit à l’essai et à l’erreur.

Cinquième condition : travailler et persévérer. Pas d’ancrage durable du talent sans un travail, un entraînement assidu. Comme le note Pierre Michel Menger : « Vous pouvez être extrêmement imaginatif, mais si vous n’êtes pas persévérant, c’est raté. »

En somme, les potentialités de talents manquent mois que les capacités à les révéler et à les faire grandir.

Merci à Marc-Alphonse Forget (ICF) qui attiré mon attention sur cet article  (http://goo.gl/xdGojt)