Apprendre : faire face à la réactance psychologique

S’il y a une chose que nous avons en horreur, c’est de perdre une liberté qui nous était acquise. Ce désir de préserver nos privilèges est fondement même de la théorie exposée par Jack Brehm. D’après cette théorie, chaque fois que notre liberté de choix et d’autonomie se trouve menacée, nous y attachons soudain plus de prix, et nous estimons davantage les situations ou les biens qui y sont associés.

Cela commence dès l’enfance : les parents apprennent très tôt qu’interdire quelque chose à un enfant décuple son envie de le faire ou de se l’approprier (si c’est un objet). Cela commence d ès deux ans, dès que l’enfant a conscience de son identité et se manifeste plus explicitement à l’adolescence, période où le jeune se révolte devant le manque de cohérence de son environnement.

Cela se retrouve aussi au niveau social où la privation soudaine d’une liberté ou, à  l’opposé, l’application de règles contraignantes (qui limitent la liberté) font que des personnes en ressentent un besoin accru. Le livre de Robert Cialdini fourmille d’exemples et d’études à ce sujet. A date, nombre de personnes qui défilent contre le pass sanitaire en sont l’exemple même si elles sont vaccinées et conscientes du Covid.

Au niveau de l’apprentissage, cette théorie s’applique lorsqu’une personne peut estimer que l’acquisition de nouvelles connaissances ou procédures peut remettre en cause son professionnalisme, l’obliger à des essais-erreurs contraignants et lui faire perdre de son autonomie (même si cela profite à la communauté).

Quand nous avons ce sentiment, nous commençons à attribuer à ce sujet (objet, pratique…) toutes sortes de qualités. Le fait que l’information soit d’autant plus estimée qu’elle est limitée lui donne d’autant plus d’importance : le débat sur la Covid et les vaccins en sont un bon exemple. Le débat de la communauté scientifique autour de la vaccination a pesé beaucoup sur la réactance de nombreux citoyens : « on nous cache quelque chose ».

Commet réagir ? Difficile parce que nous sommes passé d’un stade intellectuel à un  réaction émotionnelle. Il est important de réfléchir sur les critères de choix : ce qu’on me demande d’apprendre ou d’appliquer est-il contre moi ou pour répondre à des demandes d’autres clients ? Qu’est-ce qui est le plus important : me remettre en cause (avec l’effort que la demande) ou perdre la face devant des interlocuteurs qui ont de nouvelles attentes ? La réponse n’est pas simple, mais mérite la réflexion .

Adapté du livre de Robert Cialdini, Influence et manipulation, Pocket, 2014