Eloge d’un peu plus de lenteur

Entre les livres, par exemple d’Helmut Rosa (« Accélération », La Découverte), de Jean-Louis Servan Schreiber (« Trop vite ! », Albin Michel) ou de Gilles Finchelstein (« La dictature de l’urgence », Fayard), nous croulons sous les messages d’alerte à propos de l’accélération du temps et de son effet pervers sur l’homme. Est-ce déjà trop tard ou pouvons-nous encore agir ?

Si cette nouvelle réalité impose certaines règles (« aujourd’hui ce sont les rapides qui mangent les lents et non plus les gros qui mangent les petits » dixit Andy Grove –Intel-), elle est aussi une source opportunité qui met en valeur l’intuition et la liberté que chacun peut s’octroyer dans sa propre vie. Comment ?

La première solution, consiste à jouer sur le rythme du temps. On peut vouloir freiner. Tel est le choix de ce que l’on appelle le « slow movement » en Italie, le « mouvement de la lenteur », qui touche aussi bien la nourriture, les villes ou la musique.

La seconde orientation pour sortir de la dictature de l’urgence est plus essentielle : elle consiste à redonner de la profondeur au temps, c’est-à-dire à retrouver un passé et un avenir. D’un côté, il faut réhabiliter l’histoire. Elle est instrumentalisée et raccourcie par les politiques (le storytelling). D’un autre côté, il faut plus encore retracer des perspectives. Quand le futur est opaque, que la croyance dans le Progrès est érodée et que tout risque est redouté, c’est difficile. Cela doit se faire tant au niveau collectif qu’individuel.

La troisième est de faire le point sur la notion d’urgence. Il y a, en France plus qu’ailleurs, de nombreux malentendus sur la notion de l’urgence. D’une part, on confond souvent vitesse et précipitation quand ce n’est pas agitation. Une client qui a vécu à Londres (dans un cabinet d’avocats) a observé que « la vitesse objective à Londres était bien plus grande alors que la vitesse ressentie était plus faible ». Notre inorganisation latente en est souvent la cause. Par ailleurs, il est de bon ton en France de sembler agité, surchargé, de sur occuper nos enfants…

Enfin, il faut se redonner des priorités ou plus exactement ne pas en changer en permanence. A la longue, rien n’est réglé et tout finit par devenir urgent.

Au Moyen-âge, on discutait s’il valait mieux une tête bien pleine ou une tête bien faite, aujourd’hui on préfère instinctivement le bien plein accompagné d’une bonne dose d’agitation.