La course au temps, est-ce la faute des autres ?

Avant ces quelques jours de repos (pour beaucoup d’entre vous), voici une adptation d’un article de L’Express de.. 2002. Nous pouvons accuser l’environnement, notre entreprise, notre manager de nous pousser à la course au temps. Mais n’en sommes-nous pas le premier responsable ? Alors, levez le pied !

La maladie des temps modernes

La vie ressemble à une course contre la montre. Du lever au coucher, nous enchaînons sans dire ouf métro, boulot, réunions, dossiers, mémos, conférences téléphoniques et rendez-vous. Au bout du compte, les vingt-quatre heures de la journée nous paraissent désespérément trop courtes. Bref, nous voilà tous en passe de devenir des personnalités de «type A», selon la terminologie inventée par deux cardiologues américains, Meyer Friedman et Ray Roseman. Signes distinctifs: l’hyperactivité, le sentiment d’urgence, une nette tendance à remplir son agenda à ras bord, à dépenser son énergie sans compter et à s’énerver contre les traînards et les rêveurs.

Le temps est devenu un enjeu stratégique dans la concurrence féroce que se livrent les entreprises sous la pression de la mondialisation, de leurs cours de Bourse, de leurs actionnaires et de leurs résultats financiers trimestriels. Dans les bureaux et sur les chaînes de production, on ne jure plus que par le juste-à-temps, la production en flux tendu, le zéro stock, la livraison express et le fonctionnement en temps réel.. Le système économique porte à privilégier le court terme, l’immédiat. Au risque de confondre urgent et important.

La chasse aux temps morts est ouverte toute l’année. «Nous avons la phobie de l’attente, note Jean-Louis Servan-Schreiber, auteur du Nouvel Art du temps (Albin Michel). Un temps de réponse de cinq secondes sur un ordinateur est vécu comme interminable.» L’impatience nous grignote. Les queues aux caisses, les plats qui ne viennent pas au restaurant et les bus qui lambinent nous mettent hors de nous. «40,5% des Français sont prêts à changer de magasin s’ils peuvent faire leurs courses plus vite ailleurs, souligne Bruno Marzloff, sociologue et coordinateur d’une récente étude sur les habitudes de nos concitoyens

Evidemment,. «Entre 1991 et 1998, on a observé une forte intensification des rythmes de travail, imputable principalement à la réduction des délais et à la multiplication des tâches effectuées dans l’urgence», relève Sylvie Hamon-Cholet «20% des salariés interrogés dans le cadre de l’enquête “Conditions de travail en 1998” disent qu’ils sont toujours obligés de se dépêcher. 25% affirment ne pas avoir suffisamment de temps pour faire correctement leur travail. Et 29%, que leur rythme de travail leur est imposé par la pression constante de la hiérarchie.» C’est la même chose partout en Europe La nouveauté, c’est que les contraintes s’accumulent. «Aujourd’hui, il faut à la fois aller plus vite et satisfaire les demandes des clients tout en subissant des contrôles fréquents de la hiérarchie, estime Michel Gollac, chercheur au Centre d’études de l’emploi. Avant, quand on était soumis à un type de contrainte, on échappait aux autres.» L’usine du XXIe siècle? Ce sont les centres d’appels, dont les employés, casque téléphonique vissé sur le crâne, prennent communication sur communication sans jamais se départir de leur amabilité, sous l’œil du chef d’équipe, qui veille à la productivité de ses troupes.

La dictature du toujours plus

A la maison, on pourrait lever le pied. Débrancher. Mais non. Il y a toujours le dossier à boucler sur le portable, l’appel d’un collègue sur le mobile, la correspondance électronique à écluser. La frontière entre boulot et vie personnelle est devenue une vraie passoire. Et la course au temps continue. Jamais nous n’avons jamais été si occupés. Jamais non plus nous n’avons été pareillement sollicités. «Notre temps, personnel comme professionnel, est surencombré, tranche Denis Ettighoffer, coauteur du Syndrome de Chronos Dunod. Nous sommes des impatients qui veulent tout, tout de suite. C’est même le ressort de la société de consommation.»

Le problème, selon Jean-Louis Servan-Schreiber, c’est précisément que «nos envies, nos envies de faire et de ressentir, s’accroissent toujours plus vite que le temps pour les satisfaire». Et puis, au fond, on grogne contre la dictature de l’horloge, mais on ne déteste pas tant que ça courir du matin au soir.

«On y trouve quelques avantages. Des avantages sociaux: pour être important, il faut être très pris. Psychologiques: ça évite de s’interroger sur le sens de sa vie, de son couple, de son travail. Existentiels: dans la vie, on nous a appris qu’il fallait tout mener de front, être fort, faire face. Biologiques, aussi: on aime la décharge d’adrénaline liée à la course.» Modernité et rapidité tendent à se confondre. «La vitesse est inscrite dans la logique du progrès et de la conquête», remarque Jean-Yves Boulin.

Mais attention à ne pas en faire trop! La psychanalyste Marie Grenier-Pezé, qui assure une consultation Souffrance et travail à l’hôpital Max-Fourestier, à Nanterre (Hauts-de-Seine), est effarée par les ravages d’ «un productivisme qui va bien au-delà des contraintes horaires».

DALETT organise des formations sur la gestion des priorités. Gérard Rodach a publié dans ce cadre : « gérer son temps et ses priorités » (Eyrolles, 2007)