Le jeu de go

Après le poker et la négociation, nous allons parler du jeu de go. Est-il un jeu de management ou de stratégie. Dans quels cas l’utiliser ? Qu’en retiennent les utilisateurs ?

Vieux de plus de 4.000 ans, le go est souvent assimilé à un jeu d’encerclement. Deux joueurs, chacun doté de 180 pions blancs ou noirs, s’affrontent sur un damier. Ce sont les « pierres», dont la valeur dépend de leurs liens les unes avec les autres.

Ce qui frappe le plus dans ce jeu, c’est la règle du jeu en opposition avec notre mode de pensée occidental.

L’objectif est de placer, chacun son tour, ses pions de telle sorte qu’ils délimitent des territoires les plus étendus possibles. Les pions isolés ou non protégés peuvent être pris par l’adversaire. Le vainqueur est celui qui occupe le plus d’espace possible sur le damier.

Il ne s’agit pas d’éliminer l’adversaire, mais de permettre aux partenaires, forts et faibles, de coexister en se répartissant l’espace. Pour développer ses zones d’influence et tenter de circonscrire celles de son adversaire, les moyens ne sont pas déterminés d’avance. Le dessein prime les objectifs à court terme et il se précise, pierre par pierre, sur l’ensemble du damier, en maintenant des lignes de connexion entre les pierres de même couleur (on cherche à créer des archipels, pas des îles) et en évitant les chocs frontaux.

Les principes de base du jeu montrent l’utilité de :

  • Créer des liens
  • Tisser des territoires d’influence
  • Prendre du recul et garder l’initiative
  • Tirer partie des forces adverses et apprendre les vertus de la co-existence
  • S’habituer à déchiffrer la complexité
  • Donner des degrés de liberté pour libérer la créativité et l’esprit d’initiative

En management, le jeu de go pousse à un management par les hommes et l’oppose au management par les procédures. Chaque joueur incarne un projet, comme le développement d’un marché ou la création d’une usine. En apparence, on ne voit pas de chef : les pions se positionnent sur le damier en fonction du projet. Mais le rôle du manager est à la fois éminent et discret. De même qu’il boucle un projet dans sa phase finale, le pion qui le représente dans le jeu de go a pour rôle de clore un territoire, le rendant inattaquable. Le manager est également un initiateur : il est alors le pion qui décide de positionner sur un espace encore non exploré du damier.

Au go, on commence par s’assurer des soutiens en bordure de damier : «Il faut tenir les bords pour tenir le centre». Traduisez, il faut s’appuyer sur le terrain, les salariés de la base, le management de proximité, pour soutenir tout projet. En externe, l’adversaire n’est pas considéré comme un ennemi à abattre mais comme un handicap à surmonter: «Les pierres adverses sont aussi des points d’appui pour consolider ses propres positions et la coexistence est la règle. »

Jeu de mouvements imprévisibles, tout se décide au go «dans la capacité de coopérer, de créer des interactions et des connexions. Une pierre en se connectant à une pierre amie (celle qui a la même couleur récupère la force des pierres reliées. Le terrain de jeu peut parfois apparaître comme une série d’enchevêtrements confus à l’instar de la complexité du monde économique. Le joueur de go se lève alors pour avoir une vision globale de l’ensemble du terrain, et être capable de discerner au-delà des imbrications de pierres, des pistes de synergies possibles. Comme devraient le faire périodiquement des dirigeants confrontés à la complexité d’enjeux contradictoires qui leur font perdre le fil conducteur de leurs actions.

Au final, le jeu de go est à rapprocher des concepts du yin et du yang. Comme dans le cercle qui les réunit, les pions blancs et les pions noirs sont tous mêlés sur le damier. Les relations sociales en France vont à l’opposé de cette idée. Par exemple, certains syndicats cherchent à détruire le patron, et donc ce cercle formé par le yin et le yang. Ils devraient au contraire travailler pour lui. L’objectif devrait être de construire ensemble quelque chose de mieux ou de plus grand. Dans le jeu de go, l’objectif est justement de construire des territoires plus grands que son adversaire mais tout en le laissant vivre.

Pour ceux qui veulent en savoir plus, nous conseillons le livre de Marc Smia et Jean-Christophe Fauvet « Le Manager, joueur de go », Editions d’Organisation).