Le management au féminin

Existe-t-il un style de management féminin ? Extrait d’un article des Echos

La question n'est pas politiquement correcte, même si elle se pose de plus en plus souvent depuis une dizaine d'années. Cette méfiance est justifiée : d'une part, parce que le risque est grand de faire l'amalgame entre qualités féminines et femmes, ou qualités masculines et hommes, alors que chacun d'entre nous, quel que soit son sexe, peut posséder ces atouts. D'autre part, parce qu'affirmer que les femmes possèdent un style particulier _ reposant, par exemple, sur une capacité d'écoute et de dialogue plus importante _ ne leur rend pas forcément service : l'exploitation de ces stéréotypes risque de pousser les entreprises à les cantonner dans les postes de direction des relations humaines ou de la communication.

Mais d’abord, qu’est-ce qu’un « style de management féminin » ? Au risque de caricaturer, il s’agit d’un ensemble de qualités (ou de défauts) pouvant se résumer ainsi : les femmes sont plus concrètes et moins conceptuelles ; elles préfèrent le dialogue à l’autorité, et les réseaux horizontaux aux hiérarchies verticales ; elles sont « process-oriented » plutôt que « goal-oriented » ; elles utilisent une logique inductive plutôt que déductive ; enfin, elles sont moins sûres d’elles que les hommes et dotées d’une conception de la loyauté qui les pousse à rester trop longtemps dans le même poste.

Ces différences de style, si elles existent, ont-elles des conséquences mesurables ? Des chercheurs américains n’ont pas hésité à analyser les résultats financiers obtenus par les entreprises dirigées par des femmes. Le résultat surprend : les sociétés les plus féminisées obtenaient, en moyenne, un taux de rendement des capitaux propres plus élevé de 35,1 % et un rendement global pour l’actionnaire supérieur de 34 %.

En France, une recherche réalisée par la société de renseignements économique SCRL pour le magazine « L’Entreprise » a montré en 1996 que la rentabilité des PME (15 à 75 millions d’euros de chiffre d’affaires) dirigées par des femmes était presque trois fois supérieure à la moyenne, tout comme la croissance de leurs ventes.

S’il ne fait plus de doute que la mixité est dans les entreprises un facteur de performance, ces études présentent néanmoins une limite : elles mettent en évidence une corrélation, et non une causalité. Les auteurs n’ont pas comparé les résultats financiers des entreprises dirigées par des femmes avec la performance moyenne dans leurs secteurs. Et même en supposant qu’un lien de causalité puisse être établi, les chiffres ne disent pas que les femmes sont dans l’absolu de meilleurs managers que les hommes, mais que celles qui se hissent à ce niveau sont meilleures que la moyenne des hommes. Et pour cause : il existe un biais de sélection. Les dirigeantes présentes dans les classements ont été sursélectionnées. Tous les recruteurs l’admettent : à compétences et diplômes identiques, et sauf demande expresse du client, les hommes sont généralement choisis de préférence aux femmes. Pour qu’une femme remporte le match, et brise le fameux « plafond de verre », elle doit faire de très loin la différence.

Reste à savoir si la montée en puissance des femmes et des valeurs féminines est destinée à se poursuivre. Pour la majorité des observateurs, cela ne fait aucun doute : les entreprises ont besoin d’un leadership qui s’éloigne de plus en plus du modèle paternaliste. Mais un autre courant prône que dans un contexte de lutte pour la survie _ le monde des affaires est de plus en plus dur, les réductions d’effectifs de plus en plus nombreuses _ c’est le style masculin, plus militaire, plus brutal, plus fortement doté en « killer instinct », qui prend le dessus. La vérité, comme toujours, se situe à mi-chemin : en période difficile, l’enrichissement mutuel est vital. Les hommes peuvent aider les femmes à devenir plus directes, sûres d’elles-mêmes et tournées vers l’action, tandis que les femmes peuvent apporter aux hommes des capacités telles que l’écoute, l’expression des émotions et la recherche de l’intérêt collectif.