Le stagiaire

Le meilleur logisticien du monde, c’est le Père Noël : tous les cadeaux au bon moment et au bon endroit. Qui dit mieux ? Le Père Noël pourrait-il nous faire quelques suggestions ?

Hercule Martin marche lentement en accompagnant son visiteur dans le couloir. Cela lui laisse le temps pour comprendre. Il faut dire que la situation est inédite. L’équipe projet du 3ème étage s’est mise tout à coup à travailler comme jamais auparavant. Il n’y a pourtant aucun élément nouveau si ce n’est qu’elle a accueilli un « stagiaire » ce matin. Un vieux monsieur, avec une grande barbe et des yeux pleins de malice, un costume comme on n’en avait jamais vu et des grosses bottes. Bref, un Père Noël déguisé. Depuis son arrivée, l’atmosphère dans l’équipe est devenue électrique. Les membres de l’équipe se parlent, s’entraident, s’épaulent et leur excitation devient contagieuse.

C’était à cela que réfléchit Hercule. Quelques jours auparavant, il a reçu un appel téléphonique du… Père Noël. Celui-ci s’est fait reconnaître en lui rappelant que l’année passée Hercule avait conduit sa femme à la gare la plus proche (cf. Les lois de l’économie « SC+FC » http://www.herculemartinmanager.com/index.php/2007/01/04/53-les-lois-de-leconomie-scfc). « Hercule, vous dirigez une société qui met en place des systèmes informatiques pour la logistique. Laissez-moi y passer une journée pour que je comprenne ce que cela peut m’apporter« . Hercule a beau avoir près de 50 ans, la voix du Père Noël le fait redevenir un petit garçon. « Mais enfin, Père Noël, vous n’y pensez pas, vous êtes un exemple pour nous. Tous les jouets sont livrés à la même heure dans le monde entier. C’est moi qui devrait venir chez vous observer. »

Le Père Noël insiste : « vous lisez trop les contes d’autrefois. Aujourd’hui, les jouets changent sans arrêt, les enfants sont de plus en plus exigeants et puis allez trouver aujourd’hui du personnel qui parte travailler au Pôle Nord. Je suis un chef d’entreprise et la gestion de mon travail devient de plus en plus tendue. » Hercule cède et négocie pour qu’il soit incognito : « je vous présenterai comme un stagiaire de passage ». Il décida que le Père Noël irait dans deux équipes projet le matin, assisterait à une réunion de point d’étape d’un projet l’après-midi et ferait son rapport d’étonnement devant le comité de direction en fin d’après-midi.

Le jour dit, dès qu’il a vent de ces changements dans cette première équipe, Hercule interroge le Père Noël sur ce qui s’est passé. Il craint le pire. Et le Père Noël de lui dire : « Je les ai simplement écoutés« .

  • « Mais nous aussi, nous les écoutons » lui rétorque Hercule, « nous organisons des réunions, nous faisons des entretiens d’évaluation, les portes de nos bureaux sont ouverts… »
  • Le Père Noël se contente de sourire et lui répond : « Oui, c’est vrai, mais ils me disent que vous êtes toujours pressés et que vous ne les écoutez pas vraiment. Ils me disent qu’ils ont une vraie sensation d’écoute avec moi, parce que je prends le temps. Et quand ils ont le sensation que nous avons du temps, cela va très vite parce qu’ils n’ont pas besoin de tout répéter. »

Un peu sceptique, Hercule l’accompagne alors auprès d’une autre équipe. Un scénario du même style se reproduit. Un esprit d’initiative s’empare du groupe et en une heure des idées fusent pour accélérer le projet en cours. A nouveau Hercule prend à part le Père Noël : « Vous les avez encore écoutés ceux-là aussi ? »

  • « Oh non » rétorque le père Noël, « Je leur ai simplement reformulé ce à quoi va servir ce qu’ils font; cette vision de leur projet les a stimulés et leur a donnés plein d’idées. »
  • « Mais enfin, Père Noël, nous leur avions déjà donné la vision de leur projet » s’étonne Hercule.
  • « J’en suis convaincu » reprend le Père Noël,  » mais s’ils ont bien en tête l’intérêt du projet pour le client et l’entreprise, ils ne semblaient pas avoir mesuré l’impact pour l’équipe et pour chacun d’entre eux. Maintenant qu’ils en ont pris conscience, ils sont galvanisés pour faire mieux en moins de temps. Ils m’ont dit que ce qui leur plaisait c’était de mieux travailler en équipe et de s’amuser à réussir ensemble. »

Hercule comprend mieux sa démarche lors de la réunion d’étape projet du début de l’après-midi. La discussion bute sur des retards liés à des mails non reçus, non lus, mal compris… Alors qu’Hercule s’apprête à prendre des mesures drastiques, le Père Noël suggère doucement… de supprimer les mails et de mettre tout le monde dans la même pièce. Mieux il propose une liaison par image constante avec le client. « Vous ne vous connaissez pas ! Parlez-vous ! Appréciez-vous mutuellement ! Que chacun mette en avant ses points forts, ses besoins et épaulez-vous les uns les autres ! » A la grande surprise d’Hercule, les visages tout à coup se détendent et les gens se mettent à rire et à se parler. La séance se termine alors par une vaste foire aux compétences où tous s’entraident. « Pourquoi ne l’avons-nous jamais fait avant ? », « Ras le bol des mails ! », « Ce sont vos objectifs qui nous mettent en concurrence alors que cette manière de faire nous conduit à nous entraider » lancent les participants à Hercule, incrédule.

En fin d’après-midi, le Père Noël fait son rapport d’étonnement devant le comité de direction : « Votre entreprise fait des prouesses techniques, vos collaborateurs sont des professionnels. Toutefois, cela manque de vie. Regardez-vous dans le comité, vous avez la tête ailleurs, vous pensez à vos problèmes, vous consultez vos mails sur vos petites boites magiques. Si vous, vous n’êtes soudés et heureux de vous retrouver ensemble et de partager ce que vous faites, pourquoi voulez-vous que les autres le soient ?

« Je vous remercie pour l’accueil que vous m’avez réservé. J’ai appris plein de choses qui vont m’être utile. Permettez-moi, en échange, de vous donner ma philosophie : toute personne veut croire en son entreprise, ses chefs et ses collègues. Pour cela il faut que tous, et les leaders en tête fassent concorder ce qu’ils disent et ce qu’ils font. Si vous ne faites pas cela, vous perdrez la confiance de vos collaborateurs et de vos équipes, et par la même leur engagement. A la fin, ils ne croiront plus en vous, ni en leurs collègues. Alors, faites-leur partager un but commun qui leur soit compréhensible, prenez le temps de les écouter, favorisez l’entraide et surtout partagez les réussites ! »


Hercule voit alors les membres du comité baisser la tête, puis l’un après l’autre, fermer leurs boites à mails, éteindre leurs portables et se regarder comme ils ne se sont jamais regardés, à savoir avec le temps et l’envie d’écouter et d’aider les autres.