Le syndrôme du collaborateur loué

A l’heure où le film « 12 years as a slave »  fait couler beaucoup d’encre (en bien) et nous rappelle que l’esclavage a existé il y a peu de temps (et existe encore sous des formes à peine plus subtiles), il faut se rappeler qu’il y a eu aussi des esclaves blancs aux USA, des enfants vendus par leurs parents, notamment après la guerre de Sécession.

Ce livre, raconté par la petite fille d’un ancien « enfant loué » (appellation officielle), souligne que cela n’est pas sans effet sur les générations suivantes. Un extrait du livre à ce sujet : «La vie d »esclave qu »a menée mon grand-père jusqu »à sa fuite à l’âge de seize ans l »a tellement marqué que nul de ceux qui l »ont approché ensuite n »a pu échapper à ses effets : quatre de ses sept enfants – dont mon père – ont fini par se suicider. La thérapeute de ma sœur lui a dit : ‘Vous avez tous les stigmates d »une fille d »alcoolique.’ Mais l »alcool n »y a joué aucun rôle : il s »agit des dérapages émotionnels et des rages folles dont ils sont tous contaminés, noirs ou blancs, même séparés de l »esclavage par deux générations. »

Dans ce même livre, l’auteure  un ex otage au Liban : « Un otage des temps modernes a écrit que la vie d’un otage n’est même pas la moitié d’une vie car, un otage, comme n’importe quel prisonnier, est une sorte d’esclave. L’otage est un homme enroulé sur lui-même, un homme poussé si loin et si profond à l’intérieur de lui-même qu’il ne peut guère éviter de souffrir d’une sorte de narcose mentale, comme un plongeur dans de l’air raréfié. Quand il est relâché, c’est brusquement la liberté, la multiplicité, un désordre éblouissant et vertigineux. Et quand ce maelström commence à s’apaiser, l’ex-otage découvre qu’il lui reste ce qui reste à ceux qui plongent trop profond : la surface lisse mais fragile de notre monde mesquin, artificiel, absurde. Ce qui jadis avait un sens n’en a plus, ne peut plus en avoir. La normalité devient une autre sorte de prison. »

Lorsque vous (ou vos proches) avez (trop) investi dans une tâche, un métier, une entreprise… n’est-ce pas ce genre de sentiment que l’on éprouve lorsque cela s’arrête (volontairement, par la fin  d’une action, la retraite ou le licenciement ?