Leadership et passion

Les mouettes

Nous sommes tous des leaders. Nous imaginons souvent le leader comme ayant un charisme naturel. Nous avons tous de ce charisme à partir du moment où nous parlons de choses qui nous passionnent, auxquelles nous croyons. Voici un texte extrait d’un roman « Les Mouettes » (Editeur Albin Michel, 2013) d’un écrivain hongrois, Sandor Marai (1900-1989)  qui l’illustre bien. Ici, le héros du roman va assister à un cours d’un homme qui fascine son amie pour comprendre la cause de cette attraction.    

Un jour, il avait lu dans un journal que G. donnait un cours [de chimie] à l’intention des profanes dans le cadre d’une quelconque éducation populaire. Ce jour-là, le conférencier arriva à l’heure précise et, sans un regard pour personne, sans prêter attention au public, il se planta devant le tableau noir et inscrivit à la craie des formules chimiques. Puis il prit la parole comme s’il était seul dans la salle. A l’instant où la voix rauque de cet homme trapu, à l’aspect négligé, s’éleva, elle imposa à tout le monde de tendre l’oreille.  Le savant parlait du processus de modification de certains éléments chimiques à la composition complexe. Cet homme attaquait tout de suite le vif du sujet, il semblait continuer le discours qu’il avait rapporté avec lui de son laboratoire et qui remplissait entièrement sa vie.

Son aspect était négligé, il n’était plus tout jeune, il faisait penser à un pauvre représentant de commerce et pourtant il était autre chose.  Il [le narrateur] l’avait imaginé comme un savant solennel, une célébrité qui jouait au tennis et présidait plusieurs sociétés scientifiques. Cet homme-ci lui semblait vivre bien en dessous de son rang social ; qui plus est, il devait se moquer éperdument de tout ce qui était rang social.

Cet homme était envahi par la passion. Cette voix sourde et rauque sous laquelle vibrait la passion était comme le vacarme étouffé d’un lointain tremblement de terre qui gronde derrière un paysage ensoleillé et banal.  Il énumérait des chiffres et des formules et, en évoquant cette réalité vérifiable et objective, il grondait à la manière d’un fauve.

Il possédait un savoir. Mais savoir est toujours synonyme de passion. Comme si cette passion même, celle avec laquelle un être répond au monde, donnait un sens suprême à toutes les entreprises humaines.

Qu’est-ce qui vous passionne ?