Lectures d’été : l’arbre de l’oubli

Au Bénin, dans la ville portuaire d’Ouidah, durant quatre siècles , des milliers d’hommes , de femmes et d’enfants ont été capturés dans les pays alentour et conduits dans cette ville

Ceux qui étaient trop faibles pour faire le passage du Milieu étaient enterrés vifs.

Les autres, avant d’être traînés, poussés ou balancés sur ces grands bateaux qu’on appelait des négriers, participaient à un rituel d’oubli.

De quoi s’agit-il ? Dans un square au cœur de la ville d’Ouidah se dressait un arbre magnifique. Avant de se diriger vers la porte du Non-Retour , les futurs esclaves venaient faire le tour de l’arbre. Les femmes lui tournaient autour sept fois et les hommes neuf.

Les futurs esclaves étaient assez sages pour savoir que dans leur nouvelle vie au-delà des mers, leurs souvenirs pèseraient plus douloureusement que des chaînes. Ranimée dans les plantations du Brésil, de Saint Domingue ou de la Géorgie, chaque image des temps d’avant serait comme une dague plongée dans leur cœur.

Alors ils ont choisi de remettre leur identité à l’arbre. Ils lui ont confié tous  les souvenirs africains pour qu’il les garde précieusement, les chérisse et les conserve, jusqu’à ce qu’ils reviennent reprendre le fil de leur histoire là où il avait été tranché.

Plus d’un million d’esclaves ont embarqué à Ouidah pour le passage du Milieu et aucun n’est revenu.

Année après année, décennie après décennie, l’arbre a patiemment attendu leur retour, mais en vain.

Aujourd’hui, l’arbre n’existe plus. Tout a disparu : ses branches noueuses et ses racines enchevêtrées, son bois et sa sève. Hachées menu, les histoires des Africains kidnappés ne sont plus que sciure, air et poussière.