Nos rituels, d’après une histoire vraie

CVT_Dapres-une-histoire-vraie_53Un bref extrait du livre de Delphine de Vigan, éditions JC Lattès, 2015, Prix Renaudot.

« Nul être ne pouvait survivre dans notre société sans développer un certain nombre de rituels dont il n’avait pas conscience. L. constatait par exemple que nous avions tous des périodes alimentaires. Elle m’invitait à réfléchir à mon petit déjeuner. Était-il toujours le même ? Je reconnaissais en effet en avoir modifié la composition habituelle à plusieurs reprises. J’avais eu une période tartines + yaourt, une période céréales + tartine, une période céréales + yaourt, une période brioche tout court… A vingt ans je buvais du thé, à trente du café, à quarante ans de l’eau chaude…

De même, L. constatait qu’un certain nombre de gestes de notre vie quotidienne s’effectuaient dans un ordre immuable sans que cela fasse l’objet d’une décision ou d’une réflexion. Ces séquences, selon elle, relevaient de stratégies que nous mettions e œuvre de façon plus ou moins consciente pour survivre. Nos tics de langage, loin d’être fortuits, révélaient mieux que n’importe quel discours la manière dont nous étions en mesure, à un instant T., de nous adapter aux contraintes majeures de notre environnement (ou de leur résister). »

J’ai choisi cet extrait parce que je me pose des questions depuis longtemps sur nos rituels. Ils nous permettent de survivre (dixit l’héroïne), mais ils nous permettent aussi de réfléchir à autre chose… tout en faisant des actes mécaniquement. Ils ont aussi une fonction sociale de partage et d’échanges (je pense notamment aux mots « partagés » en entreprise où une dizaine ou une quinzaine de mots permettent de créer un « club » entre membres d’une même équipe, d’un même service ou d’une même entreprise. Le jargon technique avec ses abréviations au sens caché pour les non avertis en est un bon exemple.

Dans un monde où tout semble aller très vite et où l’urgence prédomine (répondre tout de suite aux mails, être accrocs du portable, agir avant de réfléchir, courir…), la notion de rituel nous montre que nous pouvons avoir une approche différente du temps. Si le rituel favorise la course à l’urgence (parce que nos faisons plus vite des actes mécaniques), il nous permet aussi d’apprécier le temps « long ». Nous avons (et savons) changé de rituel. Cela prend trois semaines pour changer un (petit) rituel. Après, il se ritualise, que ce soit à propos du petit déjeuner, d’un itinéraire ou d’un rapport au travail.

Plus intéressant, changer de rituel l’un après l’autre, toutes les semaines, peut faire qu’en quelques mois, nus avons changé souvent plus profondément qu’à la suite de bonnes intentions (prises au retour de vacances) souvent vite abandonnées.

En ce début d’année, donnez-vous un objectif à six mois sur comment vous aimeriez vivre vos journées, être en relation avec les autres… et changez une routine toutes les trois semaines. Le chemin est pavé de plein de petites étapes qui, mises bout à bout, vous conduiront au succès.

Bonne route !