Pour qui vous prenez-vous ?

Un ete sans fin

Dans son dernier livre, Serge Koster, homme de lettres, critique littéraire et auteur de nombreux livres, s’interroge sur son sentiment d’(in)succès littéraire (en tout cas, pas à la hauteur de ses espérances).

Je vous invite à lire cet extrait en termes de transmission de (notre) savoir. L’écrivain veut transmettre quelque chose. Chacun d’entre nous, nous transmettons à nos enfants, à notre entourage, à nos collègues, à nos collaborateurs, à nos clients ou fournisseurs…

Mais prenons-nous bien en compte notre auditoire ? Ne confondons-nous pas le contenant et le contenu ? La difficulté de faire passer nos idées dans un échange, lors d’une réunion ou par écrit ne vient-elle pas que nous ne prenons pas assez en compte l’autre, en pensant que notre raisonnement est le bon raisonnement ? 

« « Pour qui vous prenez-vous ? » telle est la question avec laquelle Martin Nadeau lançait en 2004 une enquête auprès d’un certain nombre d’écrivains pour le compte de « La Quinzaine Littéraire ».

[Autrefois, j’aurais dit] je serais un grand écrivain. Aujourd’hui, il me vient à l’esprit quelque chose comme : « pour moi-même ».

J’étais ce garçon qui, aimant lire, s’affirmait candidat à la renommée, ne doutant pas d’écrire bien et que le public rendrait justice à son style. C’était esquiver les données concrètes de l’affaire. Pourquoi écrit-on ?  Écrit-on pour soi ou pour autrui ? Vise-t-on à s’accomplir ou à s’établir ? […] Je me flattais de réunir une armée d’inconnus qui accourraient en nombre pour assouvir le besoin de mon œuvre à venir. On m’attendait. Je m’attendais.

J’ai laissé passer les années […] sans réfléchir à la perception du lecteur, que je me figurais idéal, ni au commerce de la librairie, qui défend ses propres intérêts. Le lecteur se préoccupe médiocrement du style. Il a d’autres critères. Il veut de la narration, de la psychologie, de l’évasion, de la curiosité, quoi d’autre encore !

Revenu de mes erreurs et de mes illusions, je médite sur la contradiction des écrivains qui affectent leur liberté à l’égard des lecteurs tout en réclamant à ces lecteurs leur quota de reconnaissance. »    

Vous pouvez rester éthique vis-à-vis de vous-même dans le contenu tout en l’adaptant au mode de pensée et attentes de votre interlocuteur. Malheureusement, dans un pays de culture de la joute orale ou écrite, nous apprenons à flatter nos amis (et nous-même) qu’à prendre en compte et convaincre les autres.

Et vous, savez-vous faire la part entre le contenu et le contenant de votre discours ? Je suis sûr que « oui » et que tout un chacun assimile ce que vos lui transmettez.