Quelles sont les significations des couleurs ? Comment influencent-elles les individus ?

Dans son livre Marques et couleurs, Olivier Saguez fait l’éloge de la couleur au travers de son utilisation par les marques, du bleu signant la nouvelle identité de Jeff de Bruges aux diverses teintes d’orange employées par Peugeot PSA ou ING Direct… Rencontre avec le patron de l’agence de brand design Saguez & Partners. (extrait d’un chat sur le journal du net)

Les couleurs agissent sur tout individu.

Il y a trois types d’actions simples. La première, la fonction de repère : si je vous dis ‘jaune’ et que je suis loueur de voiture, que je vous dis ‘vert’ et que je suis une marque de bière… Vous devinez tout de suite de quelles marques il s’agit. La deuxième est la fonction symbolique : pourquoi a-t-on choisi le rose pour Evian ? Parce que cela représente la pureté de l’eau que l’on donnait dans les maternités. Le rose est la couleur du monde de l’enfant, sans oublier le bleu pâle layette du bouchon. Ce n’est pas un hasard si la publicité a beaucoup utilisé les bébés. Le troisième élément, c’est la fonction émotionnelle. Il n’y a pas un rouge mais des milliers de rouge. La manière dont la couleur est utilisée peut provoquer des émotions différentes. L’endroit le plus coloré au monde s’appelle la nature et la nature c’est de l’émotion, c’est une explosion de sensations. Cette émotion est universelle : on a tous des yeux et une capacité à observer la nature. Et plus les gens sont pauvres, plus ils sont riches en couleurs. Dans les pays pauvres comme Madagascar, l’Amérique du Sud, peindre sa maison en blanc ou en couleur ne coûte pas plus cher. Comme on ne peut pas s’offrir des matériaux comme le bois, la pierre, on la rend riche par la couleur. Chose que ne sait plus faire l’homme riche de la ville.


Y-a t-il des couleurs rédhibitoires ?

On peut dire non. Elles sont toutes belles, elles ont toutes un sens et peuvent toutes avoir une fonction de repère. Quoique… Il y a des couleurs qui techniquement sont difficiles à utiliser et dont la connotation symbolique est forte. Par exemple, le jaune est une couleur qui attire la lumière très forte, plus que le blanc. Il éblouit. Ensuite, il a symbolique forte : le jaune cocu, le jaune des pestiférés ou le jaune réservé pour l’empereur en Chine. Aucune couleur n’est pas utilisée par la nature. Si vous êtes créatif, tout est possible. Encore faut-il savoir ce qu’elles peuvent signifier chez certains. Attention, les pays, les religions, l’histoire n’ont pas les mêmes symboliques. Tout cela est très compliqué : il faut faire appel à un designer !

Le noir est très connoté : peut-on quand même l’utiliser ?

Il n’y a pas un noir mais des noirs. Le noir, c’est chic comme le smoking, la petite robe noire, les chaussettes noires. C’est l’érotisme, les sous-vêtements, le café, la musique noire. Le noir est caviar, il est truffe. En terme de symbolique, le noir a des significations différentes selon les époques et les cultures. Au 14ème siècle, des lois obligeaient la population à se vêtir de noir car la teinture était rare et il fallait maintenir la vertu et l’austérité. Le noir était la couleur de la réforme, mais il fut aussi une couleur royale. Il ne portera le deuil qu’au 16ème siècle. Esthétiquement, il ne faut pas trop en mettre sinon on est éteint. Mais pour faire chic, un peu de noir ne nuit jamais.

Le rouge est la couleur la plus utilisée par les marques. Pourquoi ?

C’est celle qui se voit le plus. C’est la couleur la plus forte, la plus passionnée, la plus intense. Le rouge c’est le feu, la passion, l’amour… C’est le père Noël aussi, donc la fête. C’est aussi la mort du Christ, le diable, le danger, les interdits, le feu rouge, la zone rouge, les voitures des pompiers. C’est la couleur qui se voit le plus dans la nature. C’est celle du sang de l’homme et de la terre sur laquelle il vit. C’est la couleur du chef. Ce n’est donc pas un hasard si les marques qui veulent être leader utilisent le rouge. C’est aussi une couleur émotionnelle très forte, très chaleureuse. D’un autre côté, la couleur la plus utilisée pour les marques qui viennent de l’Etat est le bleu. Il y a un côté bleu français, bleu tempéré. Et le bleu marine a été beaucoup utilisé par les marques institutionnelles, un peu passe-partout.

La couleur intervient visuellement mais également dans les noms des marques : Orange, la Mutuelle bleue, etc. Qu’en pensez-vous ? Quel est l’objectif ? Renforcer l’effet ?

Orange n’est pas seulement une couleur. C’est aussi un fruit, avec une symbolique forte : celle de la vitamine, du soleil. Et dans la communication, il faut être vitaminé. C’est un choix très malin. Et c’est un nom qui est le même dans beaucoup de langues et qui a, à peu près, la même signification. Je le trouve dans les trois fonctions – repère, symbolique, émotionnelle – très juste. J’ai plus de doutes sur Bleu Ciel d’EDF, un peu pâlichon. Où est la notion de confort, de maîtrise de son énergie ? Mais c’est très bien pour dormir : parfait pour du lainage ! J’associe toujours le nom de la couleur et sa signification.


Comment expliquez-vous cette tendance forte qu’ont les marques à mettre leurs couleurs en volume ?

Une marque a forcément du volume par son produit, ses lieux, ses véhicules, ses objets. Certaines couleurs vont mieux avec certaines formes. Une forme ronde va mieux avec le rouge, comme pour les voitures italiennes. Une voiture plus carrée est mieux en blanc, en gris ou en bleu marine.


Vous même vous n’avez pas l’air d’être très « couleur »… Que doit-on en conclure ?

C’est une bonne remarque mais j’adore les chemises blanches ! C’est la page blanche du créateur. J’adore le marron. Mais les couleurs ne me vont pas bien. Et un pantalon gris est plus flatteur pour la ligne ! Mais j’utilise beaucoup les couleurs dans ma maison : un mur vert dans mon bureau, une chambre manganèse… Je suis dans des lieux de couleurs. Et aimer les couleurs, ce n’est pas les utiliser de manière intempestive. Je n’aime pas les voitures de couleur, sauf les Ferrari rouge et les Jaguar vertes. Je veux que ce soit discret car ça pollue ! J’ose en terme de décoration ce que je n’ose pas pour moi. Mais je vais faire des efforts ! Je manque encore de culture pour les vêtements…