Qui a la plus belle vie professionnelle (selon le général de Gaulle) ?

 

Dans son discours d’intronisation à l’Académie Française, Marc Lambron a parlé (entre autres) du plus « beau métier ».  

Arrêtons-nous aussi un instant pour saluer celle du chef de la France libre. François Coulet, qui fut chef de cabinet du général de Gaulle à Londres, puis premier commissaire de la République de la France libérée, a raconté ceci. C’est un jour du printemps 1942, et l’homme du 18 Juin est morose. Après le déjeuner où le Général a très peu parlé, soudain, sur le trottoir de gauche de Saint James, avant d’arriver aux bureaux de Carlton Gardens, il lâche : «Voyez-vous, Coulet, le plus beau métier, c’est d’être bibliothécaire.» Un peu étonné, François Coulet lui confie que son père, grand universitaire, s’était vu offrir la direction de la très belle bibliothèque du palais Bourbon. « Oh non ! répond le Général, pas une grande bibliothèque comme ça, non, un poste de petit bibliothécaire dans une petite ville en Bretagne. Ah ! quelle belle vie, on est là, on lit tout ce qu’on veut avec une grande tranquillité et puis à soixante ans, brusquement, on est pris de frénésie et on pond une plaquette de quatre-vingts pages : “ Madame de Sévigné est-elle passée par Pontivy? ” Et alors là on embête tout le monde, on se dispute avec le chanoine qui prétend que non, eh bien, croyez-moi, Coulet, c’est la plus belle vie.»

J’aurai bientôt l’âge de me disputer avec le chanoine. Toutefois le général de Gaulle, qui aurait mérité autant que Churchill le prix Nobel de littérature, savait, pour reprendre une formule de son ministre André Malraux, que toute bibliothèque « est l’héritage de la noblesse du monde». Quand la vie chancelle, le secret des hommes s’inscrit dans les livres. La vraie noblesse, elle est dans l’interrogation et le voyage.

Cela nous interroge sur notre capacité à sortir de l’agitation permanente, à prendre du recul et à s’interroger. Le faisons-nous suffisamment ?

Citation extraite du Figaro