Survivre aux humiliations

J’ai lu dans un journal (« WSJ ») qu’une personne avait reçu dernièrement un mail contenant des photos d’une femme nue adressé par son ex-petit ami qui souhaitait se venger. Peut-être que ce dernier espérait que ses correspondants feraient circuler celles-ci et créer ainsi un buzz. Avant Internet, l’Ex ami se serait peut-être contenté de déchirer les photos ou de les brûler. La technologie lui permet aujourd’hui de se venger sans commune mesure par rapport à l’ancienne époque : il en ressort que notre réputation est plus fragile que jamais.

Nous vivons tous sous la menace d’humiliations faciles à mettre en œuvre et instantanées. Ce n’est plus seulement le cas des célébrités. Aujourd’hui, donc, c’est un acte d’auto-préservation que de « googeliser » une fois par semaine, à savoir taper son nom dans le moteur de recherches pour savoir ce que l’on dit de soi.

Sommes-nous devenus une société plus perverse ? Je ne pense pas que la nature humaine ait profondément changé. Il y a toujours eu des gens qui ont pour unique intention, à un moment donné ou constamment, de faire du mal aux autres. Avant, ils se contentaient de faire circuler oralement des commérages. Maintenant, ils ont Internet, leur téléphone mobile et le camescope associé (« casse-toi, pauvre con ! »). Les nouveaux médias nous rendent plus « audacieux » sous le couvert de l’anonymat. Nous n’avons plus à le dire les yeux dans les yeux. Il est plus facile d’être cruel.

La télé-réalité joue son rôle dans la diffusion de cette culture. Quand dans de telles émissions, vous avez des moments dits « de vérité » où les protagonistes lancent aux spectateurs des « vérités » sur leurs partenaires, pourquoi tout un chacun ne ferait pas de même ? De même en politique, il devient plus classique de traîner son adversaire dans la boue plutôt que d’échanger sur le fond des idées (surtout qu’ils risquent d’avoir les mêmes idées).

La racine latine du mot « humiliation » est « humus » qui signifie « sale ». Une part trop grande d’Internet est maintenant consacré à cela, à diffuser des moments embarrassants ou à exagérer les faiblesses de chacun.

Je pense que nous avons chacun notre part de responsabilité. Nous pouvons commencer par nous dire à nous-même : « nous valons plus cela ».

Je terminerai par une métaphore : Un conférencier commence son séminaire en tenant bien haut un billet de 20 euros. Il demande aux gens : « Qui aimerait avoir ce billet ? » Les mains commencent à se lever.

Alors il dit : « Je vais donner ce billet de 20 euros à l’un d’entre vous, mais avant laissez-moi d’abord faire quelque chose avec. » Il chiffonne alors le billet avec force et il demande :  » Est-ce que vous voulez toujours de ce billet ? » Les mains continuent à se lever. « Bon, d’accord, mais que se passera-t-il si je fais cela ? »

Il jette le billet froissé par terre et saute à pieds joints dessus, l’écrasant autant que possible et le recouvrant des poussières du plancher. Ensuite il demande :  » Qui veut encore avoir ce billet ? » Evidemment, les mains continuent de se lever !

« Mes amis, vous venez d’apprendre une leçon… Peu importe ce que je fais avec ce billet, vous le voulez toujours parce que sa valeur n’a pas changé. Il vaut toujours 20 euros. Plusieurs fois dans votre vie vous serez froissés, rejetés, souillés par les gens ou par les événements. Vous aurez l’impression que vous ne valez plus rien, mais en réalité votre valeur n’aura pas changé aux yeux des gens qui vous aiment ! »

(Adapté d’un article du Wall Street Journal)