Transmission challenge n°16 Gare au biais du survivant

Lorsque vous transmettez (ou recueillez) de l’information, ceux qui ont le plus tendance à être interrogé ou à s’exprimer vous donnent des informations intéressantes, mais par nature biaisées.

Une anecdote : en 1943, pour limiter les pertes en avion, les militaires américains eurent l’idée  de blinder certaines parties des avions. Pour ce faire, ils regardèrent les impacts des balles sur les carlingues et en déduisirent les zones à renforcer. Le résultat ne fut pas à la hauteur des espérances et ils décidèrent d’élargir leur cercle de réflexion.

Des statisticiens leur firent observer que les avions examinés étaient ceux qui avaient échappés au tirs de la DCA, donc les « survivants », et qu’il fallait plutôt renforcer les parties « épargnées » parce que ce sont celles qui avaient entraîné des pertes d’avions.

Ce biais a été repris par Nassim Taleb, auteur du livre « Le cygne noir », un livre de réflexion sur le mécanisme des crises financières,  qui a repris une parabole de Cicéron  “Lors d’une visite d’un sanctuaire dédié aux dieux, on présenta à Diagoras, un philosophe grec célèbre pour son athéisme, de nombreuses tablettes dépeignant des naufragés sauvés des flots par leurs prières. Le prêtre demanda ensuite “Toi Diagoras, qui est convaincu que les dieux ne se mêlent en rien des affaires des hommes, comment expliques-tu alors qu’ils en aient tant sauvés ?” Diagoras répondit : “C’est simple. Ceux qui ont priés et se sont noyés ne sont dépeints nul part.”

Le biais du survivant consiste à tirer des conclusions erronées en écoutant uniquement ce qu’ont à nous raconter les “survivants” d’un échantillon statistique (qui sont en fait des anomalies plutôt que la norme), et en ignorant tous les autres (qui sont pourtant plus nombreux).

Si, en tant transmetteur, vous collectez des informations uniquement auprès de ceux qui ont suivi vos approches ou, pire, auprès de ceux qui ont réussi à tout assimiler, vous risquez d’obtenir à votre tour des informations biaisées.

Il est important d’interroger également ceux qui n’ont pas pu ou voulu suivre cette transmission de compétences ou qui ont raté l’épreuve finale ou la mise en pratique.

Bien sûr, si votre optique est de transmettre du savoir et ou du savoir-faire à une ou deux personnes, le biais du survivant n’est pas d’un grand intérêt.

Si vous avez besoin de toucher un plus grand nombre de personnes, que ce soit en termes de pratiques ou de sensibilisation, la prise en compte de ce biais a son utilité. Il vous aide à comprendre les freins ou les risques associés.

Un dernier exemple : les magazines et les médias en général sont pleins d’exemples de ceux qui ont réussi. Si vous voulez éviter ce biais, intéressez-vous aussi à ceux qui ont raté. Malheureusement ils écrivent moins de livres et sont rarement interviewés.