Le jeu d’échecs et le management

Quel peut être le lien entre le management et les échecs ? C’est la réflexion engagée par Philippe Brun, directeur depuis 1999 du site de STMicroelectronics de Rousset (Bouches-du-Rhône) et joueur d’échecs depuis plus de quarante ans. Merci à Marc qui m’a signalé cet article (voir références à la fin)

Le jeu d’échecs comporte différents pions qui ont chacun une manière de se déplacer. L’objectif du jeu est d’immobiliser le roi. Mais avant tout, les échecs se rapportent à une simulation de bataille, c’est un jeu de position, où il faut être au centre pour contrôler. Dans l’entreprise, il ne faut pas changer de métier de base mais gérer ses positions. Il faut positionner une base, un métier, le construire, puis le consolider.

Le lien entre le management et les échecs, c’est la stratégie. Tout d’abord, même si cela tombe sous le sens, il faut réfléchir avant d’agir, ce qui malheureusement n’est pas toujours le cas en pratique. Il faut laisser le temps à la réflexion de maturer. D’après Lao Tseu, ce serait « agir sans agir ». Deuxième point primordial : l’anticipation. Il faut voir jusqu’à deux ou trois coups d’après, savoir se mettre dans la peau de l’autre et se détacher de soi-même. Cela permet notamment d’avoir toujours un cran d’avance sur la concurrence, ou d’éviter les problèmes en interne qui pourraient déboucher sur des pressions et des conflits. Dans la même veine, il faut, dans la mesure du possible, faire des choix à coups multiples. En d’autres termes, le changement de position génère normalement l’ouverture d’opportunités. Il faut ici faire en sorte que le plus de portes possibles s’ouvrent.

L’intuition raisonnée reste un facteur de réussite, c’est-à-dire faire preuve de rationalité tout en étant intuitif. Le joueur d’échecs anticipe et analyse les différentes possibilités. « Que se passerait-il si je fais tel ou tel déplacement avec ma tour ? » ou « Que se passera-t-il si mon adversaire prend mon fou ? », se demande-t-il. Un comportement à reproduire en dehors du contexte du jeu : un manager devrait ainsi réfléchir comme un joueur d’échecs, pour prendre les bonnes décisions.

Le savoir rationnel est trop complexe, et l’intuition permet de compenser le fait que nous n’ayons pas les capacités d’analyse et de vitesse de l’ordinateur. Intuitivement on définit plusieurs options tactiques, puis on les analyse chacune. C’est là qu’intervient la créativité. Le manager doit apprendre à appréhender différemment le passé et le présent, afin de prendre la bonne décision au moment opportun. L’histoire est considérée comme une longue ligne, dont le seul aboutissement est le moment présent, une ligne évidente et la seule correcte. Quand on anticipe, on appréhende de la même façon une histoire future, qu’on appelle ‘pronostic de base’. En réalité, plusieurs scénarios sont plausibles. Or, la plupart des pronostics de base ne prennent pas en considération le facteur du hasard. Une erreur, car en pratique, le hasard joue souvent un rôle déterminant.

En définitive, il ne faut être ni blanc, ni noir. Mais attention, la stratégie doit rester cohérente. Il faut définir sa propre stratégie et ensuite l’adapter à l’environnement, ne pas en changer en cours de route. Il ne faut pas se laisser embarquer par la dictature de l’environnement. Aux échecs il faut connaître la stratégie de l’autre et parfois jouer un coup pour voir.

Pendant une partie d’échecs, le joueur envisage plusieurs scénarios du genre « Que se passerait-il si… ». Il choisit l’avenir le plus intéressant et fait le meilleur coup pour que cet avenir se concrétise. C’est exactement pareil dans le monde des affaires. Un exécutif peut postposer sa décision, prendre le temps de réfléchir, considérer un laps de temps plus important de l’histoire, avant de décider. En formulant plusieurs scénarios « Que se passerait-il si… », il peut définir différents scénarios d’avenir.

article extrait de http://www.journaldunet.com/imprimer/management/0501/050164stmicro.shtml