janvier 2014

Le syndrôme du collaborateur loué

A l’heure où le film « 12 years as a slave »  fait couler beaucoup d’encre (en bien) et nous rappelle que l’esclavage a existé il y a peu de temps (et existe encore sous des formes à peine plus subtiles), il faut se rappeler qu’il y a eu aussi des esclaves blancs aux USA, des enfants vendus par leurs parents, notamment après la guerre de Sécession.

Ce livre, raconté par la petite fille d’un ancien « enfant loué » (appellation officielle), souligne que cela n’est pas sans effet sur les générations suivantes. Un extrait du livre à ce sujet : «La vie d »esclave qu »a menée mon grand-père jusqu »à sa fuite à l’âge de seize ans l »a tellement marqué que nul de ceux qui l »ont approché ensuite n »a pu échapper à ses effets : quatre de ses sept enfants – dont mon père – ont fini par se suicider. La thérapeute de ma sœur lui a dit : ‘Vous avez tous les stigmates d »une fille d »alcoolique.’ Mais l »alcool n »y a joué aucun rôle : il s »agit des dérapages émotionnels et des rages folles dont ils sont tous contaminés, noirs ou blancs, même séparés de l »esclavage par deux générations. »

Dans ce même livre, l’auteure  un ex otage au Liban : « Un otage des temps modernes a écrit que la vie d’un otage n’est même pas la moitié d’une vie car, un otage, comme n’importe quel prisonnier, est une sorte d’esclave. L’otage est un homme enroulé sur lui-même, un homme poussé si loin et si profond à l’intérieur de lui-même qu’il ne peut guère éviter de souffrir d’une sorte de narcose mentale, comme un plongeur dans de l’air raréfié. Quand il est relâché, c’est brusquement la liberté, la multiplicité, un désordre éblouissant et vertigineux. Et quand ce maelström commence à s’apaiser, l’ex-otage découvre qu’il lui reste ce qui reste à ceux qui plongent trop profond : la surface lisse mais fragile de notre monde mesquin, artificiel, absurde. Ce qui jadis avait un sens n’en a plus, ne peut plus en avoir. La normalité devient une autre sorte de prison. »

Lorsque vous (ou vos proches) avez (trop) investi dans une tâche, un métier, une entreprise… n’est-ce pas ce genre de sentiment que l’on éprouve lorsque cela s’arrête (volontairement, par la fin  d’une action, la retraite ou le licenciement ?

Déménagez vos habitudes !

Dans les Echos du 14 janvier 2014, Jean-Marc Vittori raconte la fable des îles Kerguelen : « Une mission scientifique d’une dizaine de personnes aurait, dit-on, été envoyée dans ces îles, à l’époque désertes, pour y faire des observations météorologiques. Mais un jour, quelqu’un s’avisa que les dépenses de la mission ne pouvaient pas être contrôlées. On envoya sur place un contrôleur financier qui demanda des états de dépenses, des justifications, des engagements, etc. : il fallut envoyer du personnel administratif. Pour gérer cette équipe, on envoya alors un directeur du personnel qui demanda des effectifs, des avancements, des congés, etc. ; il fallut envoyer à nouveau du personnel administratif. De fil en aiguille, le personnel passa en deux ans de 10 à 200 personnes ! Mais… entre-temps, la mission avait terminé sa tâche et les 10 experts étaient partis sans que, dans le va-et-vient incessant, personne ne s’en aperçoive » (1).

Si ce texte décrit le « phénomène administratif », il peut s’appliquer aussi tant à l’administration publique que privée et plus largement à toute collectivité, comme à chacun d’entre nous.

En effet, n’avons-nous pas tendance à nous encombrer de tâches et d’habitudes, qui souvent subsistent, même lorsque la cause originelle a disparu ?

Ainsi, vous aviez l’habitude de notre vos numéros de téléphone dans un répertoire jusqu’au jour où vous les avez entrés dans un smartphone. Oui, mais par sécurité, vous gardez les deux habitudes.

Certaines habitudes peuvent rassurer, mais globalement elles vous polluent et vous prennent beaucoup de temps. La dernière fois que vous avez déménagé, comment avez-vous vécu le tri que vous avez dû faire ?

Faites-en la liste et appréciez le temps que vous pourriez ainsi gagner.

Finalement, les déménagements de bureaux où on vous limite le volume de cartons ont du bon.

C’est aussi un phénomène culturel. En France, nous déménageons, en changeant de logement,  quasiment tout. Aux USA, les américains vendent la majorité de leurs biens en les étalant sur leurs pelouses (cela s’appelle un « garage ») et déménagent avec seulement leurs vêtements et quelques biens personnels. Ils rachèteront tout sur place.

Alors, quand déménagez-vous vos habitudes ? Ce sera comme un ménage de printemps : vous vous sentirez  plus léger.

 NB : L’auteur de la fable des îles Kerguelen a aussi tracé deux dessins très explicites. Sur le premier, un homme tire une lourde charrette. Sur le second, trois hommes tirent la même charrette dans un sens et quatre dans l’autre. Le résultat physique est le même, le résultat psychologique est une montagne de frustrations.

(1) Le phénomène Administration. Contribution à la formulation mathématique de la loi de Parkinson, par Michel Martin, Annales des mines.

Une version moderne de l’histoire du poisson et du filet

Vous connaissez tous ce proverbe : « si tu donnes un poisson à quelqu’un, il se nourrira un jour, si tu lui donnes un filet, il se nourrira tous les jours ».   En voici une version actuelle.

Leo Grand, un SDF de New York, vient de sortir sa première application pour smartphone, « Trees for cars » (http://signup.treesforcars.com/).

Cette « appli écolo” a, en effet, été créée par Leo Grand, un SDF new-yorkais, qui n’y connaissait rien à la programmation il y a encore six mois. En août 2013, le destin lui fait croiser la route de Patrick McConlogue, un jeune programmeur de 23 ans qui lui fait une proposition : Leo Grand peut, soit recevoir un billet de 100 dollars, soit suivre pendant 16 semaines des cours de programmation informatique avec lui à raison d’une heure par jour. Léo opte pour la formation accélérée.

Le jeune programmeur fait ce qu’il a promis : il offre à Leo Grand des livres de cours, un ordinateur portable bon marché, et son savoir faire. Comme il en parle sur son blog (https://medium.com/architecting-a-life/fee8f3ee97a0), le sans-abri devient rapidement l’objet d’une polémique : était-ce la meilleure solution ? Il est invité sur le plateau de “Today”, l’une des émissions phares de la chaîne NBC, il a droit à un reportage de CNN et de nombreux articles dans la presse.

La nouvelle coqueluche des médias est même l’objet d’une page Facebook (https://www.facebook.com/journeymanchallenge), où des dizaines de milliers d’internautes suivent ses progrès informatiques. Et lorsque Leo Grand se fait arrêter, en octobre 2013, pour avoir enfreint le règlement d’un parc public, la communauté se mobilise avec succès pour le faire sortir de prison. Un internaute lui envoie même un nouvel ordinateur portable pour remplacer celui que la police a confisqué.

De péripétie en sollicitations médiatiques, les deux hommes mènent leur collaboration à terme. Après la fin des cours particuliers en octobre, Patrick McConlogue continue de suivre les efforts de Leo Grand, qui voulait développer une application ayant un impact sur l’environnement de New York.

Ce sera “Tree for cars”. Cette application, désormais disponible pour 0,99 dollars sur les iPhone et smartphones Android, permet d’organiser des co-voiturages afin de limiter la circulation – et donc l’émission de dioxyde de carbone – dans New York. Elle inclut même un petit indicateur qui mesure combien de CO² n’a pas été relâché dans l’atmosphère de la Grande Pomme grâce à chaque trajet.

Aussitôt sortie, aussitôt soutenue : un site a été monté pour inciter les internautes à acheter l’application de Leo Grand, devenue en quelques mois une sorte d’icône techno-médiatique.

Au final, que retenir de cette aventure en cours ? Ce ne sont pas les nouvelles compétences de Leo Grand qui vont peut-être lui permettre de sortir de la grande précarité, mais bien le buzz et les connections qu’il a pu se faire grâce à cette histoire.

Histoire inspirée par un article trouvé sur France 24 et rédigé par Sébastien Seibt.

Etes-vous un holacrate* ?

Qu’est-ce que l’holacratie ? Ce concept (développé par Brian Robertson) vise à remplacer la chaîne de commandement de l’entreprise par une série d’équipes auto-organisées qui se chevauchent. En théorie, cela donne aux employés plus d’autonomie. Le concept a été popularisé aux USA par des personnes médiatiques comme le co-fondateur de Twitter ou un gourou de la gestion du temps. L’annonce récente par le fondateur de Zappos, leader de la vente en ligne de chaussures aux USA (1.500 personnes), de l’adoption de cette idée, révèle qu’il n’y a pas que les petites entreprises à s’y intéresser.

Selon Tony Hsieh (PDG de Zappos), il s’agit d’empêcher l’entreprise de devenir trop rigide, trop lourde et trop bureaucratique : « Nous avons remarqué que la bureaucratie entravait notre capacité d’adaptation».

À la base, une holacratie vise à organiser une société autour du travail qui doit être fait et non autour des gens qui le font. En conséquence, les employés n’ont pas de fonctions à proprement parler. Plutôt que de travailler dans une seule équipe, ils font généralement partie de plusieurs cercles qui effectuent chacun certaines fonctions.

En outre, il n’existe pas de responsables au sens classiquement défini. Au lieu de cela, il y a des gens connus comme des «liens de plomb » qui ont la capacité d’affecter les employés à des rôles ou les supprimer, mais qui ne sont pas en mesure de dire en fait aux gens quoi faire. Hsieh et Robertson ont soin de noter que si une holacratie peut se débarrasser des gestionnaires traditionnels, il y a encore une structure et les réalisations des collaborateurs sont analysées.
Un vaste débat est en train de naître autour de ce concept. Pour certains, le concept d’autorité apparaît dès qu’il y a un groupe et cela ne peut tenir dans le temps (d’ailleurs, Zappos ne supprime pas toute la hiérarchie). Pour d’autres, il s’agit simplement de rendre les gens plus autonomes et polyvalents.

Des expériences existent déjà en France. Un exemple  : http://lexcellenceenholacracy.com/christophe-mistou-lhomme-qui-adopte-lholacracy-a-grande-echelle

*extrait de http://www.washingtonpost.com/blogs/on-leadership/wp/2014/01/03/zappos-gets-rid-of-all-managers/

La vérité sur la boite de Pandore

Comme chaque année, le père Noël, une fois le 25 décembre passé, vint saluer son ami Hercule Martin. Celui-ci se désespérait : « C’est reparti pour une nouvelle année de course contre le temps.  J’ai profité des vacances pour relire des livres sur la mythologie grecque. Ah, si Pandore n’avait pas ouvert sa boite…, nous serions plus heureux.»

Le Père Noël sourit et lui raconta la vraie histoire de la boite de Pandore :   « Pour se venger de Prométhée qui avait donné le feu aux hommes,  Zeus ordonna à Vulcain de créer une femme avec de nombreux dons : beauté, flatterie, amabilité, adresse, grâce, intelligence, mais aussi l’art de la tromperie et de la séduction. Il lui donna le nom de Pandore, qui en grec signifie « doté de tous les dons ». Elle fut ensuite envoyée chez Prométhée. Epiméthée, le frère de celui-ci, se laissa séduire et finit par l’épouser. Le jour de leur mariage, on remit à Pandore un objet bizarre dans lequel étaient intégrés des messages dont de nombreux maux : urgence, non–écoute,  stress, intolérance, …. On lui interdit de l’ouvrir en dehors de deux moments dans la journée. Par curiosité, elle ne respecta pas la condition et tous les maux s’évadèrent pour se répandre. Seul un  message sur la zen attitude resta dans la boite, ne permettant même pas aux hommes de supporter les malheurs qui s’abattaient sur eux. C’est à partir de ce mythe qu’est née l’expression « boîte de Pandore », qui symbolise la cause d’une catastrophe.

Que contenait la boite funeste ?  Un smartphone ! Vous pouvez toujours imputer aux autres tous les malheurs du monde, mais nous sommes souvent les premiers responsables de nos soucis. Alors je vous invite, mon cher Hercule, à faire preuve de plus de courage que Pandore. Sachez résister à la tentation d’ouvrir votre boite de pandore, je veux dire votre smartphone,  en permanence. Vous prendrez ainsi plus de recul et votre année 2014 sera plus paisible ! »