Aujourd’hui, faut-il être plus égoïste ou plus ouvert à la collectivité ?

Les discours de MM. Obama et Sarkozy sur les bonus des banquiers dans le contexte actuel relancent un vieux débat : travaillons pour de l’argent ou pour autre chose (une fois que nous avons le minimum) ? Sortons des schémas style Maslow et visitons quelques théories comportementales.

Si vous interrogez des cadres sur comment rendre une entreprise plus « entreprenante », plus orientée clients ou simplement plus profitable, la grande majorité vous suggérera de les y intéresser : « récompenser les gens pour leurs idées, leurs efforts et leurs initiatives et vous verrez le résultat ! »

Posez-leur ensuite cette question : « si vous aviez uniquement un salaire fixe, feriez-vous quand même du bon travail ? » ; Vous serez surpris (ou non) qu’ils vous répondent pratiquement tous : « Oui bien sûr, il n’y a pas que l’argent ! ».

Pourquoi croyons-nous que les autres soient motivés par l’argent pendant que nous seuls seraient motivés par de nobles buts ? Selon M. Vermeulen, un professeur anglais, cela est lié à la manière dont sont organisées nos entreprises : soit en armée romaine (structure hiérarchique), soit de manière économique.

L’économie a une forte influence sur la manière dont nous gouvernons nos entreprises. Par exemple, la distribution de stock options aux cadres dirigeants repose sur la théorie de l’agence (Agency Theory). Celle-ci suppose une forme de contrat tacite par lequel une ou plusieurs personnes (le principal) engagent une autre personne (l’agent) pour accomplir quelques services en leur nom, impliquant la délégation d’une partie de l’autorité de prise de décision à l’agent. La théorie de l’agence repose sur deux hypothèses comportementales. La première suppose que les individus cherchent à maximiser leur utilité, la deuxième postule que les individus sont susceptibles de tirer profit de l’incomplétude des contrats. Dans ces conditions, effectivement, il est important d’intéresser les gens sinon ils ne feront rien.

Maintenant, il y a une autre dimension qui fonctionne depuis des millions d’années et qui a fait ce que nous sommes aujourd’hui : nous sommes membres d’une communauté et nous contribuons au bien-être collectif. En tant que membre de ce groupe de référence, nos ancêtres savaient que s’ils se montraient égoïstes et paresseux, ils seraient jetés hors du groupe (avec les risques associés). Notre nature profonde fait que nous remémorons cette croyance, même dans notre tribu d’aujourd’hui, à savoir l’organisation. Nous ne sommes donc pas motivés par l’argent. D’ailleurs les entreprises qui réussissent ont des employés fidèles et dévoués.

Est-ce si simple ? Dans les entreprises qui réussissent, lorsque le patron charismatique s’en va, il n’est pas sûr que le suivant suscite la même forme de loyauté auprès des mêmes gens. D’ailleurs, si nous sommes loyaux à un homme ou une idée, rarement à une société par elle-même (sauf si c’est une organisation avec un idéal fort). Et puis souvent, l’argent est un outil qui compense le manque de reconnaissance par d’autres voies. Il y a même des études (celle de Richard Titmuss, un chercheur anglais) qui montra que l’usage de l’argent pour récompenser des donneurs de sang entrainait une baisse du nombre de donneurs.

Esperons que la crise actuelle permet de clarifier le rapport à l’argent de certains…