Chroniques du Japon : 3. La courtoisie en toutes circonstances ?

Au Japon, on ne se serre pas la main, on fait une courbette plus ou moins prononcée selon le statut accordé à l’interlocuteur. Les vies professionnelles et sociales sont tout aussi pleines de difficultés qu’en France, mais les japonais n’haussent pas la voix : leurs émotions passent par le ton donné à la parole et les mots. En France, pouvons-nous être à la fois courtois et clair sur nos opinions ?

Quelques exemples vécus :

  • Dans les gares, le personnel de nettoyage salue les personnes qui descendent du train avant de monter faire leur travail
  • Dans les magasins, le personnel vous salue à votre entrée et à votre sortie
  • Même sur les panneaux de chantiers dans la rue, il y a un japonais qui s’excuse du désagrément causé par les travaux

Nous y prenons goût en France. Depuis quelques temps, les contrôleurs de la SNCF (pardon ! Les agents commerciaux) disent « bonjour » en entrant dans un wagon, les préposés des centres d’appel vous saluent au début et à la fin de l’entretien, …

Pourtant, cela paraît encore, à nombre de personnes, assez artificiel. Cette courtoisie n’est de mise que dans des relations commerciales ou équilibrés. Notre côté latin « émotionnel » fait que nous nous passons de cette courtoisie lorsque nous avons des choses à dire pas forcément agréables.

Pourtant, à bien y regarder, il y a un enseignement à en retirer : savoir distinguer les faits des sentiments, la personne de la situation. Lorsque nous sommes en désaccord avec quelqu’un, notre tendance est de l’attaquer verbalement en mêlant faits et émotions. Il en ressort un conflit où tout le monde est perdant.

La courtoisie n’exclut pas dire ce que l’on ressent. L’approche peut être plus proche de la Communication Non Violente (CNV) de Marshall Rosenberg : respecter l’autre en tant que personne, séparer les faits des émotions et exprimer ses émotions sous forme de son ressenti. Vous exprimez ainsi ce que vous pensez et ressentez sans agresser l’autre.

J’ai eu l’occasion de travailler sur des plateaux de centre d’appels téléphoniques. La clientèle particulière qui appelle, mêle très souvent les faits et les émotions (elle est impliquée au 1er degré) et la conversation a tendance à déraper. La clientèle professionnelle prend déjà un peu plus de distance entre les faits et les émotions. Celles-ci restent néanmoins présentes, puisque c’est leur argent ou leur outil de travail qui est en cause. Avec la clientèle des entreprises, le ton est plus courtois, plus feutré, même si c’est le même degré d’exigence. Simplement, l’appelant a une certaine distance vis-à-vis de sa demande parce qu’il n’est pas le premier concerné (mais est responsable du résultat pour ses collègues).

Dans la vie en groupe (vie privée, sociale ou professionnelle), nous devrions nous inspirer de cette courtoise. Cela passe par des règles de vie où nous séparerions faits et émotions. Nous pouvons nous inspirer de la méthode DESC (un dérivé de la CNV) où nous communiquons en Décrivant d’abord des faits, puis en Exprimant ce que l’on ressent, avant de rechercher des Solutions et une Conclusion. Cela nous permettra d’être plus authentique en exprimant nos besoins.

Bien sûr, il y aura toujours des personnes qui rechercheront le rapport de forces. A nous de refuser d’entrer dans leur jeu.