Comment appelez-vous ce que vous faites ?

En temps normal, l’ambiance n’était pas très gaie dans les entreprises. Avec la campagne médiatique sur la crise, nous nous rapprochons de la sinistrose. Pourtant, pour atteindre vos objectifs ou tout au moins survivre (la crise est une réalité pour nombre de personnes), il vous faut être motivé (le devenir ou le rester) et transmettre cet esprit aux autres (vos collaborateurs, vos collègues, votre patron…). Est-ce si simple ? Cela suppose s’interroger sur vos tâches et celles de ceux qui vous entourent.

« Heureux au travail », « Comment motiver votre équipe », « Tirez le meilleur parti de chacun », … voici quelques-uns des titres qui fleurissent actuellement sur les rayons des libraires et les couvertures de journaux. Cela répond-t-il à un besoin ou est-ce une façade pour cacher la réalité. Cette dernière est plutôt glauque si l’on en croit les sondages. Selon une étude de l’IFOP, Les Français (à égalité avec les Italiens) sont les plus désenchantés et les plus désengagés dans leur travail en Europe. 17% de cadres se disent même « activement désengagés » pour 3% « activement impliqués ». Ces chiffres sont de pire en pire ces dernières années.

Dans son livre sur la « Condition humaine » (1958), Hannah Arendt identifie les trois formes d’activités dont les êtres humains sont capables. Le travail (« Labour ») au sens de labeur, qui représente les tâches pénibles, répétitives et automatiques. L’œuvre (« work » qui a le sens d’œuvre en anglais) qui inclut les tâches demandant à la fois de la pensée et de la créativité et enfin l’action (« action ») qui est le royaume de l’action partagée au travers d’échanges que ce soit en équipe ou en communauté.

Selon Arendt, c’est parce que nous confondons ces trois formes que nous vivons une époque de médiocrité et de servilité. Beaucoup trop de jobs tombent dans la première catégorie (le travail au sens de labeur). Quoique les tâches requièrent plus de flexibilité aujourd’hui, elles sont aussi plus fragmentées. Les deux associés font que de nombreuses personnes font des tâches qui demandent certes de la réflexion, mais qui sont perçues sans but (ou bien incluses dans un process global qui fait perdre de vue son sens).

Il est alors aisé de comprendre qu’un grand nombre de collaborateurs y perdent leur motivation. Ce n’est pas nécessairement évident puisque, me diriez-vous, il pourrait suffire de montrer le sens global et la part contributive de chacun. En fait, à ce phénomène vient s’ajouter un autre phénomène : le « paraître » prend de plus en plus la préséance sur le « faire ». Nous sommes de plus en plus reconnu dans les communautés de travail que sont les entreprises (notamment les grandes) à notre capacité à maîtriser le jargon maison, notre enthousiaste (réel ou forcé), notre « aptitude au changement » et (ce n’est pas le moindre) à la manière dont nous nous conformons au système.

La situation est un peu différente dans les petites entreprises (moins de 50 personnes) où le taux de satisfaction dans le travail est nettement supérieur à celui des grandes entreprises. Paradoxe, dans la mesure où les personnes y sont souvent plus mal payées.

Que pouvons-nous faire pour combattre ce manque de motivation ? La motivation (entre autres choses) est liée à la satisfaction de ses désirs de faire quelque chose qui vous plaise et se distingue. Il peut donc être difficile pour les entreprises à la fois de normer et de « processisser » les tâches et de décreter la motivation. Peut-être, au contraire faut-il reconsidérer les consignes données à chacun. C’est ce que fit Ricardo Semler au Bresil. Dans son livre « Maverick » (1993), il raconte comment il a révolutionné son entreprise en relâchant les contrôles, en donnant aux collaborateurs la liberté de s’organiser, en abolissant les horaires fixes et les codes vestimentaires. Son entreprise se porte toujours bien.

Peut-être que le futur des entreprises passe par une plus grande flexibilité dans l’organisation des tâches (« action »).