La théorie des jeux appliquée au mouvement social

Le site www.debateco.fr cite la contribution de Jean-Edouard Colliard, qui participe au blog de la revue Regards Croisés sur l’Economie.

Son interrogation sur le mouvement social de novembre, porte, non sur la légitimité de la grève, mais sur sa rationalité : comment expliquer qu’un conflit puisse s’enliser et nuire aux intérêts de tous, alors même que les termes d’un accord possible semblaient de longue date connus de chacun ?

Colliard se réfère, par analogie, au siège d’une ville médiévale. « Supposons que la ville n’ait aucune chance de résister au siège indéfiniment. A quoi alors sert la résistance ? C’est une forme de négociation : assiégeant et assiégé doivent se mettre d’accord sur les termes de la reddition, termes qui dépendent des souffrances anticipées des deux camps« . Mais ni l’assiégeant ni l’assiégé ne conduisent cette négociation avec une parfaite connaissance de l’état des forces de l’adversaire. L’insuffisance des informations disponibles autorise des comportements de bluff qui peuvent se révéler payants. « Que faisaient certains généraux (…) particulièrement retors ? Le premier jour du siège, ils sacrifiaient tous leurs vivres pour organiser d’immenses fêtes (…) L’ennemi, convaincu que son adversaire possédait des ressources importantes, était alors prêt à céder sur des termes beaucoup moins exigeants. »

Ce détour historique permet à Colliard de donner une lecture éclairante du conflit en cours : les grévistes et le gouvernement se trouvent en position d’ »asymétrie d’information bilatérale », où « chaque camp doit estimer quelle valeur le camp d’en face accorde au temps qui s’écoule et à l’objet de la négociation. Dans ce cadre, les négociations deviennent extrêmement compliquées : il s’agit d’essayer de tromper l’autre tout en apprenant sur lui alors même qu’il triche, ce qui n’est pas facile. Mais ce qui justifie d’un point de vue théorique pleinement l’usage de la grève, même préventive, pour montrer ou faire croire que l’on est déterminé par exemple. »

La théorie des jeux n’apporte aucun réconfort aux usagers qui s’entassent dans les rames bondées, mais elle offre de précieux repères pour la conduite des réformes en cours et à venir…