L’obéissance est-il innée ?

Les pages de nos média sont couvertes d’articles parlant d’attitudes jugées « inciviles ». Les responsables d’entreprise se plaignent du manque de respect des salariés vis-à-vis de leur société. Ces derniers se sentant floués et peu écoutés, se comportent de plus en plus en mercenaires. Bref, l’autorité « naturelle » n’est plus ce qu’elle était (demandez aux enseignants, médecins, pompiers, … ce qu’ils en pensent). Et vous ? Comment ça va chez vous ?

L’émission télévisé d’il y a une quinzaine de jours sur France 2 (Zone X-trème) a remis au goût du jour les expériences réalisées par Stanley Milgram aux USA dans les années 80. Quelques mots pour résumer le contexte : des volontaires occasionnels, mal payés, doivent interroger un homme situé derrière une vitre. A chaque mauvaise réponse, ils lui infligent des doses électriques de plus en plus fortes, le tout sous le regard d’un scientifique en blouse blanche (chez Milgram) ou d’une présentatrice de télévision (sur France 2). Le constat est que la très grande majorité des « tortionnaires occasionnels » va jusqu’à des doses mortelles sans sourciller ou se lever et partir (rappel : le gain est très faible et ils n’ont aucun relation contractuelle avec l’entreprise « bourreau »).

Dans un article paru dans Les Echos, Augustin Landier et David Thesmar en tirent trois enseignements :

  • L’être humain est docile. C’est la loyauté au chef qui est dans nos gènes.
  • C’est la présence physique de la figure de l’autorité qui déclenche l’obéissance. Lorsqu’elle n’est plus derrière le « tortionnaire » occasionnel, ce dernier arrête l’expérience.
  • C’est lorsque l’autorité est monolithique que la soumission est la plus totale. Lorsqu’il y a deux personnes derrière le « tortionnaire », dont l’une émet des doutes ou conteste, le « tortionnaire » arrête également.

Cela suscite quelques réflexions sur les modes de management :

  • Cet instinct d’obéissance se retrouve dans les réunions à tous les niveaux (y compris au niveau des conseils d’administration –cf. le procès de M. Zacharias, ex-PDG de Vinci qui a eu lieu ces derniers jours. Il y était accusé par des administrateurs d’avoir abusé de son pouvoir pour s’octroyer des avantages financiers-).
  • Cela nécessite, pour limiter ce phénomène, que les délibérations aient lieu en l’absence du dirigeant (= sortez votre patron de sa réunion la prochaine fois !)
  • Les pouvoirs bicéphales (ou tricéphales, …) favorisent une attitude moins soumise des participants (halte au cumul des pouvoirs !)
  • Cela exige aussi que les « avocats du diable » aient droit de cité et soient protégés des retours de bâton (est-ce le cas chez vous ?).
  • Au final, les modes projets, transverses, matricielles, … ont du bon puisqu’ils diluent l’autorité (Remarquez, quand plus personne n’est réellement responsable, est-ce mieux ?).

Vous comprendrez mieux maintenant la difficulté à établir le télétravail en France. Loin du chef, on aurait plus tendance à désobéir. Je reconnais que cela n’est pas seulement lié à ce facteur. Celui de la confiance entre les acteurs y joue aussi un rôle (entre autres). Ceci est une autre histoire et nous y reviendrons prochainement.

En attendant, changerez-vous l’organisation des réunions que vous présidez ?