« Ortografe » ou globish ?

globish

Dans une chronique diffusée le 20 mars sur France Inter, Michel Serres a commenté, ou plus exactement disserté autour de la réforme de l’orthographe, une reforme arrêtée en 1990 et que le gouvernement vient enfin de décider de mettre en œuvre à l’école (comme quoi, il ne faut jamais perdre d’espoir pour les réformes passées ou actuelles).

Ses observations sont intéressantes pour analyser certaines grandes questions actuelles.

Première observation : il y a des langues phonétiques et des langues étymologiques.

Les langues phonétiques sont des langues qui s’écrivent comme elles se parlent. Exemples : l’allemand ou le roumain. Elles sont proches de lavoix. Quand on sait écrire une langue phonétique, on sait la parler et réciproquement.

Les langues étymologiques sont des langues où les mots s’écrivent sur une base historique. L’anglais et le français en sont de bons exemples. Quand on sait le parler, on ne sait pas forcément le parler.

Un exemple : pourquoi doit-on des (z)hommes et des haricots (sans faire de liaison) ?  Tout simplement parce que « homme » vient du latin (où on fait la liaison) et haricots de l’allemand.

Nous avons choisi l’histoire plutôt que la voix.  Pourquoi faire simple quand on peut faire compliquer ? Heureusement que nous sommes bons en histoire (et en étymologie).

Deuxième observation : si on veut vraiment simplifier l’orthographe, il faut la rendre phonétique et là commence les difficultés (usages et habitudes).

Si « pharmacie » s’écrivait « farmacie » (en usage en italien, par exemple), accepteriez d’écrire « fame » plutôt que femme ? Et que deviendrait « femelle » et tous les mots dérivés ?

Troisième observation : pour Michel Serres, il s’agit d’un débat entre le Ministère de l’Éducation et l’Académie Française. Pour l’académicien qu’est Michel Serres, l’Académie fait un dictionnaire d’usage et c’est l’usage, pas le Ministère ou l’Académie qui font la loi.

Donc, ce n’est pas un débat grand public qui lui s’en moque.

Quatrième observation : le vrai péril est le globish.

Quand les paysans parlaient patois, l’élite parlait français. Quand les premiers ont parlé français, l’élite a parlé latin, anglais et aujourd’hui globish. La classe dominante ne veut pas parler le langage du peuple.

Qui décide du globish ? Les publicitaires, les journalistes et les financiers qui favorisent des noms anglais pour faire international.

Les « Relais H » sont devenus « Relay » et le matraquage Disney a fait qu’Aladin s’écrit Aladdin (pour éviter des frais d’édition).

Alors, pour Michel Serres, le français est devenu langue à l’usage des pauvres. Donc, le débat sur l’orthographe est un faux débat.

Résumons : le passé plutôt que le futur, une réforme à moitié, un combat entre intellectuels et le véritable danger qui avance masqué… Quand je vous disais que cela rappelle d’autres débats.