Réconcilier les transmissions orales et écrites

Flahaut be yourself

Les médias parlent beaucoup de bien être au travail. De nombreuses solutions sont proposées et même des concours de qualité de vie au travail existent. Lors d’une de ses conférences, François Flahault, directeur de recherches à l’école des hautes études en sciences sociales (EHESS) a abordé le rapport enseignant / élèves à l’école sous la dimension oral / écrit.

Dans une culture française où l’élite se définit par le livre (succès aux concours livresques), mais où la charge au quotidien, est d’animer des communautés « orales », son discours (un bref extrait) donne un éclairage intéressant à la fois sur les problèmes à l’école, mais aussi, et dans la continuité, dans l’entreprise. Dans un monde où la transmission permanente est nécessaire, cela souligne bien le décalage entre la transmission livresque (ou type MOOC, …) et les échanges oraux au quotidien (« sur le tas »)      

L’école est une institution assez curieuse en ce sens que, d’un côté, elle semble entièrement ordonnée à partir de la connaissance livresque et que, de l’autre, c’est manifestement un petit monde oral, une société de face à face, une société d’interconnaissance où les gens ont affaire les uns aux autres.

[…]L’école fonctionne sur deux registres hétérogènes, l’oralité et le texte. Tout ce qui fait la légitimité de l’école tient évidemment au savoir, au texte écrit. Pour devenir professeur, il faut passer le CAPES ou l’agrégation, autrement dit assimiler des connaissances qui passent par les livres. Une fois passé le cap du concours, on se trouve plongé dans une situation d’oralité, parmi des corps vivants et plus ou moins turbulents, ces enfants, ces adolescents, et soi en face d’eux… Et il faut faire avec !

De fait, ces relations orales sont source de bien des difficultés : les élèves ont tendance à parler entre eux au lieu d’écouter le professeur, et, dans la cour de récréation, leurs interactions sont souvent houleuses, voire brutales. Côté négatif de ces relations directes entre corps parlants : le métier d’enseignant est difficile, fatiguant, éprouvant.

Symptôme de l’école française : le degré de souffrance vécu par les élèves et les enseignants. Si on compare le niveau de pénibilité ou de souffrance dans l’école française au niveau constaté dans d’autres pays européens, on constate qu’en France le niveau est plus élevé. Un article du Monde en date du 23 septembre 2010, « L’école qui rend malade, une spécialité française », en témoigne. L’article rend compte d’une enquête faite par l’association de la fondation étudiante pour la ville.  Il en ressort que 57% des élèves perçoivent leur enseignant de manière positive et constatent qu’il s’intéresse à eux. Mais également que plus de la moitié des élèves éprouve un pénible sentiment d’échec, un manque de confiance en eux-mêmes, et sentent peser sur eux la crainte de ne pas être à la hauteur. Quant aux enseignants, dont le métier est déjà de toute façon très difficile, il est également nécessaire de réfléchir aux moyens d’en diminuer la pénibilité et le stress. Une amélioration de la vie sociale à l’école devrait réduire le niveau de souffrance. (…) Pour que l’école soit un lieu de socialisation, il est nécessaire qu’elle entretienne des relations avec d’autres espaces sociaux. En effet, toute structure sociale qui se ferme sur elle-même se désocialise. Une vie sociale saine est celle dans laquelle le cercle formé par une institution n’est pas clos sur lui-même, ne constitue pas une bulle, mais se trouve connecté avec d’autres sphères de la vie sociale.

Il faut réunir ses forces, dévoiler ce point aveugle, ce déni. Il est possible d’améliorer les choses ! La preuve, c’est que dans d’autres pays, on y arrive ! »

Pour aller plus loin : http://goo.gl/hRhhl6