Un artiste est-il soluble dans la culture d’entreprise ?

Innovation, stimulation des salariés, ouverture sur l’extérieur… nous n’avons jamais autant vu ou lu de discours sur l’importance des apports des « créatifs » (mot à prendre au sens large) pour briser les freins culturels et libérer la créativité au sein de l’entreprise.

De quelle créativité parlons-nous ? La créativité n’est pas l’apanage de quelques-uns. Tout le monde a de la créativité, sauf qu’elle prend plusieurs formes. Grosso modo, il y a la créativité d’amélioration (= améliorer ce qui existe) et la créativité « out of the box » (= sortir des sentiers battus). Les cultures d’entreprise favorisent la créativité d’amélioration, mais digèrent mal les personnes au mode de pensée « out of the box ».

Pourquoi ? Pour répondre à cette question, je vais me baser et adapter un interview de Wladimir Pandolfo, directeur artistique Warner Music France, lors d’un entretien qu’il a accordé pour un Mooc sur les entreprises culturelles.

Bien sûr, il parle ici d’artiste dans le domaine musical, mais cet exemple un peu extrême (vous n’engagez pas tous les jours un musicien) est intéressant, car il souligne les différences de culture :

  • L’artiste n’a pas le sentiment de travailler dans l’entreprise, mais d’être sous contrat de manière plus ou moins longue avec l’entreprise.
  • Il ne se sent pas tenu par la hiérarchie.
  • Il va parfois plus réagir avec ses émotions du moment, qu’avec une vraie vocation stratégique. Dans une entreprise, le temps est parfois long : la production, la mise en œuvre, la commercialisation, tout demande du temps. Or, un artiste vit au présent, avec ses angoisses du moment, et parfois, qui sont complètement irrationnelles.

Cela veut dire beaucoup de dialogues, d’explications et de présence, savoir ni enfermer un artiste dans une bulle, ni le les laisser isolé de la réalité économique.  Il faut savoir communiquer, expliquer. On va expliquer à l’artiste la situation, en étant pédagogue mais lucide, et à l’inverse, aux autres collaborateurs, expliquer la position de l’artiste, en expliquant qu’il y a peut-être des raisons.

Un artiste vit au présent.  il peut avoir trouvé une idée et, le lendemain, ne plus être dans le même état d’esprit. Sauf que l’entreprise va tirer parti pendant un bon moment de cette idée. Quand vous communiquez ce créateur, vous devez délimiter son axe créatif et lui dire : « J’entends bien que toi, tu es peut-être beaucoup plus large, mais pour le moment va plus loin dans ton idée ».

Vous êtes peut-être un tel créatif. En tout cas, vous avez sûrement croisé de tels phénomènes dans votre milieu professionnel. Les formes de management classiques sauront-elles s’adapter pour les laisser prospérer ? Ou bien, continueront-elles à les laisser en dehors des schémas habituels (quitte à avoir des liens contractuels) ?

Il suffit de regarder le rachat de start-up par de grands groupes. Nombre de rachats se terminent par une dilution très rapide de la « pépite » dans les procédures et règles de l’organisation.

C’est peut-être pour cela qu’en France, nous avons beaucoup de pépites brillantes, mais peu de grand groupes innovants.