Transmettre challenge n° 18 : Tirez parti des interstices

Un interstice est une chose minuscule, un entre deux, une faille. C’est un peu de jeu entre les éléments qui composent une structure, quelques petites fentes dans les volets qui laissent passer la lumière ou des instants perdus dans l’attente d’une personne ou d’une information.

L’interstice est fort utile lorsque les agencements institutionnels paraissent coincés ou que le sentiment de manque de temps repousse toute action de transfert de savoir à plus tard.

Nous imaginons que des organigrammes, des règlements et des procédures décrivent finement le fonctionnement d’une organisation ou d’une tâche, alors qu’en fait des imprévus, des impondérables des zones d’indécision subsistent, des temps minuscules hors de contrôle. Ces zones sont des interstices organisationnels. Ils ont été identifiés de longue date, par exemple dans l’analyse des phénomènes de pouvoir au cœur des organisations (cf. Travaux de Michel Crozier).

Il existe trois grandes sortes d’interstices :

  • Interstices spatiaux :  des lieux de passage, des territoires non revendiqués, des espaces aux fonctionnalités floues ;
  • Interstices moraux : des sujets non tranchés, non débattus, en cours de construction ;
  • Interstices temporels : les temps flous entre deux activités, les temps d’attente entre deux réunions, les temps de déplacement d’un endroit à l’autre de l’organisation.

Dans ces interstices, des apprentissages informels se produisent de façon souterraine, invisible, à la marge d’autres activités dont l’objet premier n’est pas d’apprendre. Ce faisant, a posteriori, l’on constate que la participation à une activité, a été apprenante.

Pour faire de de ces interstices organisationnels des leviers d’apprentissage sont les suivants :

  • Favoriser une culture de partages informels en tirant parti des échanges à la marge de projets, des temps libérés de contraintes où des expressions ;
  • Accepter de ne pas tout prévoir dans les procédures, laisser la possibilité de co-construire des intentions et des projets communs ;
  • Encourager les prises d’initiatives individuelles et collectives, reconnaître les initiatives qui fonctionnent ;
  • Éviter de stigmatiser les pratiques marginales ;
  • Laisser des espaces et des temps aux petits groupes qui s’auto-organisent ;
  • Créer des boucles itératives entre apprentissage formel et informel.

L’enjeu actuel de la transformation pédagogique est moins de chercher à vaincre les « résistances au changement » ou d’énoncer une vision tonitruante sur les bonnes méthodes à adopter (numérique, de co-design, de facilitation etc.), que de rendre l’appropriation désirable.

Le désir sera d’autant plus grand que la valeur ajoutée d’une nouvelle méthode pédagogique sera perceptible et bien réelle. Pour constituer un environnement où les idées, les informations, les projets se glissent en douceur dans l’existant, se greffent et grandissent, il s’agit moins d’affirmer sa raison et plus de démultiplier les expérimentations.

La pédagogie de l’interstice est toute de modestie. Elle s’immisce sur des terrains laissés en friche ou saisit les opportunités de sujets neufs à défricher.

Alors la prochaine fois qu’il y aura une situation imprévue, une perte de temps ou un débat non tranché, tirez parti de l’interstice offerte.

Inspiré d’un article de Thot Cursus