La technologie, le mode accéléré du travail aujourd’hui, le plaisir et / ou l’obligation d’être multitâches nous conduisent à émietter de plus en plus nos activités. Au-delà des contraintes ou du plaisir qui y est lié, cela aboutit à une restructuration progressive de notre cerveau. Première étape de notre enquête : quelles en sont les conséquences ?
Une des caractéristiques de notre cerveau est que nous ne pouvons guère traiter plus d’un flux d’informations à la fois. Ce paradigme que l’on a cru longtemps immuable est-il toujours vrai à l’ère de l’internet et des smartphones ?
Des études conduites à l’Université de Standford (Etude Ophir, 2004) ont montré que les personnes qui accomplissent fréquemment plusieurs tâches ont plus de mal à rester concentrer sur les informations pertinentes (selon la demande qui leur a été faite), de même ils ont du mal à basculer d’une activité à l’autre, enfin (et la liste n’est pas exhaustive) ils sont toujours à la recherche de nouvelles informations plutôt que de capitaliser sur des anciennes. Au global, les multitâches semblent plus sensibles que les autres aux informations extérieures récentes.
Ce comportement perdure même lorsque les personnes multitâches ne font qu’une activité, leur tendance à en faire plusieurs demeure. Cela leur pose des problèmes de concentration, d’autant plus que la technologie les noie sous l’information : chacun d’entre nous consomme trois fois plus d’informations qu’il y a 40 ans. A titre d’exemple, nous consommons en moyenne 12 heures de média par jour (un heure passée simultanément devant la télé et Internet compte pour deux). Une autre étude (Université de Californie) constate que ceux qui consultent leurs mails au fil de l’eau sont plus stressés que les autres.
Nous avons tous de bonnes raisons de pratiquer comme cela : peur de rater de l’info, influence de la culture d’entreprise, joie d’être au courant de tout, … les raisons sont nombreuses. Le drame est que nous y perdons le sens du contact humain. A l’instar des réunions où les participants consultent frénétiquement leurs mobiles dès qu’il y a un instant de relâchement sur le sujet qui les concernent, nous ne savons plus prendre le temps de partager et d’être avec les autres, voire les siens, sans (presque) rien faire, juste être ensemble et prendre le temps d’écouter l’autre.
Bien sûr, notre cerveau s’habitue à cette gymnastique ; il ne s’agit pas d’addiction comme de la drogue, mais plutôt comme la nourriture, avec le risque à court ou moyen terme de l’excès.
En conclusion, même si de nombreuses personnes autour de vous vous affirment que faire plusieurs choses à la fois les rend plus productifs, ne vous leurrez pas, toutes les recherches montrent une baisse de la concentration et une montée de la pensée décousue. Les seuls gains : l’acuité visuelle et la rapidité de recherche d’informations nouvelles. Au final, vous pouvez perdre de vue votre objectif personnel, celui de votre entreprise et vous complaire dans une sur-activité qui consiste à brasser et à s’agiter plutôt que de gérer ses vraies priorités.
Le jeu en vaut-il la chandelle ?
La semaine prochaine, nous vous proposerons un test pour mesurer votre degré de dépendance. Son originalité ? Il sera destiné à ceux qui vous entourent pour qu’ils apprécient votre niveau d’addiction aux urgences. Après tout, c’est comme en conduite automobile : tout le monde déclare bien conduire, ce sont les autres les chauffards.
Gérard Rodach vient de publier « Mieux gérer ses priorités et son temps » (Eyrolles, 2010) où il développe la méthode « FOCUS » pour savoir mieux gérer ses priorités, gagner du temps et savoir prendre du recul.