La qualité d’une organisation ou d’un service peut être évaluée à son maillon le plus faible. Vous pouvez aller faire vos courses dans un magasin très bien organisé, mais si le serveur de cartes bancaires de la banque de celui-ci décide de tomber en panne tout se désorganise très vite. Nous avons un aéroport à Paris qui accueille des dizaines de millions de passagers et se prépare à gérer des avions de huit cent passagers. Est-il réellement prêt ?
Petit retour en arrière : fin mars 2008, l’aéroport d’Heathrow (Londres), premier aéroport d’Europe, inaugure en grandes pompes son nouveau terminal T5. Conçu pour accueillir simultanément 60 avions dont 15 airbus 380 gros porteurs, il dispose de toutes les technologies modernes pour faciliter le traitement des flux importants de passagers et de bagages. Toutefois, malgré 36 mois de préparation et d’efforts, l’ouverture est un véritable fiasco, non seulement pour l’image de l’aéroport, avec des milliers de passagers complètement déboussolés (15 000 bagages en retard de traitement, des centaines de vols annulés), mais aussi sur le plan financier (20 millions d’euros perdus sur un mois, des assureurs qui refusent d’assurer les pertes de bagages…).
Pourtant, les responsables du projet et leurs différents partenaires ne sont pas des novices. Des mois de préparation et de formations ont été consacrés à la réussite de cette ouverture. Que s’est-il passé alors ? Au travers de la lecture des journaux anglais, voici quelques-uns des événements qui se sont alors additionnés : une non-prise en compte de toutes les observations de la part du personnel durant la période de formation, une mauvaise formation sur la circulation dans un aéroport trop grand, trop vaste, des parkings pour le personnel insuffisants, lointains et mal desservis, des contrôles de sécurité très tatillons qui augmentent le retard de prise de poste du personnel, ; un matériel de chargement et de déchargement inadéquat en rapport avec la dimension des portes,… Scandale !
En France, nos responsables en ont sûrement tiré les leçons. Ils s’entraînent ferme pour l’arrivée des avions avec 800 passagers. A titre d’exemple, voici un retour d’avion récent sur Paris. Un samedi matin de ce beau mois de juillet 2009, je rentre d’une destination lointaine (12 heures de vol) dans un Boeing 777-300 d’Air France, un avion récent et confortable qui emporte allègrement 480 passagers. L’arrivée à Paris se fait dans les temps et l’avion va s’arrêter tranquillement… dans un parking de stationnement à quelques kilomètres de l’aérogare. Pourquoi pas à un des pontons qui permettent un accès direct à l’aérogare ? Mystère. Il ne me reste plus qu’à prendre un autobus pour arriver au terminal. Oui, mais un ou deux des escaliers prévus ne fonctionnent pas. Il n’y a pas d’autres alternatives que de sortir 500 personnes (avec l’équipage) de l’avion par une seule porte. Les autobus nous transportent à l’aérogare.
Deuxième surprise : au lieu d’ouvrir les deux séries de file de police (passeports européens et autres pays), un seul passage est ouvert et tout le monde doit prendre la même file : comme certains passeports prennent plus de temps (ex. Passeport avec visa) que d’autres (ex. CEE) l’attente est longue. Rien n’est perdu : il faut attendre les bagages qui ont du faire aussi faire un long périple. Je récupère les miens une heure quarante après que l’avion se soit posé.
Me voici sur le territoire français. Il n’y a plus qu’à prendre un moyen de locomotion pour regagner Paris. Direction le RER B (métro régional reliant l’aéroport à Paris). Tous les distributeurs sont en maintenance pour la journée. Je cherche des yeux un guichet et je tombe sur une charmante employée en gilet jaune qui m’explique qu’il n’y a pas de RER pour un temps et une cause indéterminés. Il faut, m’explique-t-elle, aller « au dessus » pour un prendre un bus qui va à Paris. Où à Paris ? Mystère, elle ne le sait pas. Je repars et ne trouvant pas de panneaux je me dirige vers l’aérogare E/F pour prendre le car Air France. J’y arrive et suis presque à la bonne porte quand je suis arrêté par des soldats (sympa) qui m’explique qu’on ne passe pas (bagage abandonné ou autres causes ?). Ils ne savent pas non plus s’il y a une alternative. Ils m’expliquent que je ne suis pas le premier à poser la question, mais que personne ne leur a donné d’instructions. Retour à l’aérogare C pour prendre (de justesse) un car Air France (en fait, il n’y avait aucun moyen alternatif au RER B, ni de renforcement des lignes existantes). Finalement, j’ai mis trois heures (à compter de l’atterrissage) pour rejoindre Paris.
En conclusion, l’avion de 800 places pourra se poser à Paris. Les problèmes sont après. Et vous, de votre côté, avez testé votre organisation et votre chaîne de service ? Connaissez-vous votre maillon faible ?