Le troisième rebond de la balle

J’ai lu cet été le livre de Ronald Cohen « le second rebond de la balle » (Editions Saint Simon, 24 euros). Il a été l’un de ceux qui ont introduit le capital investissement en Europe. Sa société, Apax Partners, fondée avec quelques amis, a été l’une des plus florissantes de ce secteur. Son regard sur les tendances en cours et notamment l’investissement social interpelle.

Son livre est dédié aux entrepreneurs : il leur donne les clés de la réussite. Pour lui, entreprendre ou investir dans les opportunités « à la mode » ne peut apporter qu’une rentabilité assez faible. Par contre, anticiper les conséquences de ces opportunités (« le second rebond de la balle ») vous conduit à des situations d’incertitude, mais oh combien plus rentables.

Je reviendrai dans les prochaines semaines sur les leçons prodiguées dans ce livre. Je voudrais parler ici du troisième rebond de la balle. Retiré depuis quelques années des affaires, l’auteur n’est pas resté inactif. Il préside aujourd’hui plusieurs fonds d’investissement qui ont pour vocation de résoudre des problèmes sociaux en Angleterre. Le constat (qui n’est pas original) est que des zones entières du pays tombent non seulement dans la pauvreté, mais bien plus dans une spirale négative. L’assistanat ne fait qu’accroître ce phénomène. Il faut, pour enrayer ce phénomène, attirer des capitaux et créer des emplois.

Facile à dire, difficile à faire me diriez-vous. Pourtant, le risque est là, surtout pour les plus riches et les habitants des zones les plus riches. La tension qui résulterait d’un gouffre croissant entre riches et pauvres finirait par conduire les gouvernements à revenir à l’ancien modèle : fiscalité élevée, faible croissance et redistribution des revenus au lieu de leur création.

Grâce à son savoir-faire, ses relations et la prise de conscience de nombreuses banques et entreprises, il a pu constituer des fonds d’investissement qui offrent certes une rentabilité faible, mais aussi des gains sociaux non négligeables. En effet, nombreux sont les dirigeants (plus en tout cas que selon l’image développée dans la presse) à avoir compris que leurs affaires au niveau national ne peuvent se développer que s’il existe une certaine égalité des chances entre les citoyens. En fait, il applique à une autre échelle la technique du micro-crédit développé sur le continent indien ou celle du proverbe japonais : « si tu donnes un poisson à un pêcheur, tu le nourris un jour, si tu lui donnes un filet, il se nourrira tous les jours ».

Ce genre d’actions n’est pas nouveau, mais est révélateur d’un état d’esprit. Les exemples des fondations de Bill Gates (recherche médicale) ou de Warren Buffett, montrent que les entrepreneurs veulent prendre leur part d’un problème jusqu’alors considéré du ressort de l’Etat.

L’investissement social commence à prendre corps : de plus en plus de consommateurs exigent de leurs entreprises fournisseurs (produits de grande consommation mais aussi banques, assurances…) un comportement et des moyens financiers pour les organismes qui joueront ce rôle social.

Une nouvelle classe d’actifs orientés vers l’investissement social est en train d’émerger. Ce n’est pas une mode, c’est une tendance de fond pour éviter que le système dans lequel nous vivons n’explose. Au-delà de la crise actuelle et des changements prévisibles, c’est peut-être le troisième rebond qui se prépare. C’est aussi une formidable opportunité pour tout un chacun pour se réaliser différemment. Que fait votre entreprise ? Que faites-vous ? Comment encourager à tout niveau ce comportement citoyen ? Voilà un sujet de méditation avant la grande rentrée.