Faut-il aujourd’hui travailler dur pour réussir ?

Ces derniers jours est sorti à l’écran le film « l’homme qui voulait vivre sa vie ». Dans le livre éponyme (Douglas Kennedy, Pocket, 2010)), il y a plein de personnages (dont le héros) qui, à un moment donné de leur vie, se sont battus pour réussir dans un domaine artistique (photo, écriture, peinture..) et n’ont pas réussi. Certains, portant, en avaient le talent, mais cela n’a pas, semble-t-il, suffit. L’image américaine classique du « travailler dur pour réussir » en prend un coup d’autant plus que l’auteur est sceptique sur cette image. Alors, que faire ?

D. Kennedy écrit à ce sujet : « Une fois que vous êtes lancé, tout le monde vous veut. Dans notre culture, l’image de celui qui lutte est intrinsèquement négative. » L’auteur explique que celui qui n’a pas (encore) réussi est catalogué comme un rien du tout qui veut qu’on lui donne sa chance, mais personne ne veut la lui donner : pourquoi aider un anonyme ? Bien plus, les révélateurs (presse, galeries, …) ont peur : peur de leur propre jugement, peur de se compromettre avec un anonyme.

Seulement voilà, il y a la chance : un hasard aveugle qui intervient, vous ouvre la bonne porte au moment voulu et alors les projecteurs s’allument et tout le monde vous veut. Dans le livre, le héros, un photographe déçu devenu avocat, se retrouve un jour obligé de disparaître (je ne vais pas vous raconter le livre), fait de la photo pour occuper son temps et une série de hasards font que ses photos le révèlent au grand public (alors qu’il voulait rester inconnu). Quelques temps plus tard, ayant retrouvé son anonymat, il souhaite à nouveau connaître la gloire, mais plus personne ne reconnaît son talent…parce qu’il n’a plus le même nom.

La chance est fugace et il faut savoir la saisir au bon moment. Elle ne passe parfois qu’une fois. Est-ce pour cela qu’il faut s’arrêter de travailler dur ?

Peut-être que oui : plus vous insistez, plus vous acceptez des travaux à de faibles conditions pour survivre et plus vous êtes déclassé (on ne prête qu’aux riches).

Peut-être que non : nous sommes dans une ère de réseau, de différence et de chance. Il ne suffit plus d’avoir du talent, de produire mais aussi de le faire savoir, de se faire connaître et… d’espérer son jour de chance.

Une anecdote : un jeune photographe a fait en 2004 des clichés à Clichy sous Bois dans une cité où habitait un de ses copains. Un an plus tard, lors des émeutes dans les banlieues, les médias se sont aperçus qu’il n’y avait que ses clichés qui présentaient un visage humain des banlieues. Ces clichés sont devenus célèbres et lui a accéléré sa carrière.

Moralité : pour réussir, il faut toujours travailler dur, mais peut-être différemment… sans attendre la chance, tout en l’espérant. Le jour où elle est là, sautez-lui dessus sans trop réfléchir.