Devenir « multitâche » : chance ou risque ?

La dernière crise financière (2008-2009) a laissé des traces dans la gestion des compétences : nombre de salariés sont devenus bon gré mal gré plus multitâches qu’ils ne l’auraient soupçonné. La mise en œuvre de ces nouvelles compétences peut leur ouvrir des horizons insoupçonnés, mais aussi les disqualifier.

Ces dernières années, de nombreuses entreprises, inquiètes de l’évolution financière des marchés ont réduit leur recrutement, même lorsqu’il s’agissait de remplacer un partant, voire un congé de longue durée (ex. Maternité). Pour compenser les absences, les managers (et leurs collaborateurs, ont été priés de prendre du travail en plus, même si celui-ci n’était pas de leur domaine habituel. Il n’est plus rare de voir des ingénieurs faire de l’après-vente par téléphone, des vendeurs, de l’administration commerciale ou des financiers intervenir dans la comptabilité.

Une étude américaine (source : Sphérion Staffing) révèle que 53% des salariés interrogés déclaraient avoir pris de nouveaux rôle sans reconnaissance financière dans la majorité des cas (seuls 7% d’entre eux ont une augmentation ou une prime). Cette tendance semble s’inscrire profondément dans les mœurs, compte tenu à la fois des incertitudes sur les marchés et des bénéfices enregistrés avec cette approche.

Il y a des côtés positifs à cela : le salarié peut se découvrir des compétences insoupçonnés, avoir ainsi la possibilité d’évoluer ou de réorienter sa carrière. Il peut avoir bénéficié de formations ou de reconnaissance (certification, diplôme…) qui le stimulent. Il ne faut toutefois pas cacher que dans la majorité des cas, cet accroissement horizontal des charges se fait sur le tas, sans formation ad hoc et plutôt sous la contrainte. Le « multitâchisme », selon les neurologues, réduit aussi la productivité, et accroit la fatigue. Un autre risque est l’effet de cascade, chacun reportant les tâches non effectuées sur d’autres. L’entraide et la solidarité disparaissent vite des écrans radar dans les entreprises, chacun cherchant à sauvegarder sa tâche clé. Il en résulte dans tous les cas une baisse de motivation et des résultats.

Le nouveau « multitâcheron » doit donc apprendre très vite à poser des limites aux compétences demandées et aux exigences en termes d’horaires de travail (certains se sentent obliger de finir leur travail le soir ou le weekend). Cela peut toutefois être difficile si ses collègues ne font pas de même.