L’acheteur, un indice de la moralité des affaires

le comportement des acheteurs n’est-il que le reflet de la baisse de la moralité des affaires (ou bien est-ce un phénomène plus visible aujourd’hui) ?

Cette semaine a été marquée par plusieurs annonces concernant des rappels de marchandises produites en Chine.

Entre les jouets de Mattel et les dentifrices à l’antigel distribués dans les supermarchés en Europe, on ne sait plus vraiment si la campagne vise à protéger le consommateur ou à dénigrer la Chine (ou encore les deux).

Deux extraits de presse :

Le gratuit 20 minutes : «Les entreprises qui vont en Chine sont souvent dans la course à l’argent et finissent par prendre des risques avec la qualité et la sécurité. Dans l’industrie automobile, par exemple, on a vu des équipementiers mettre une telle pression sur les prix que les fournisseurs ne voulaient plus travailler avec eux».

Le quotidien « Le soleil » (Québec, Canada)  »Vous avez beau être inquiets à la suite des récents rappels de jouets chinois, vous ne pouvez pas faire grand-chose pour mettre vos enfants en sûreté. Sinon payer plus cher et vous fier à votre jugement…« Malheureusement, il n’y a pas vraiment de moyen de se protéger », commente la voix de l’Union des consommateurs, Charles Tanguay. Mattel est une entreprise connue et réputée, pourtant elle a lancé trois rappels massifs de jouets en un peu plus d’un mois. «Il y a sûrement d’autres compagnies qui nous vendent des produits dangereux. Les consommateurs ont raison de s’inquiéter.» M. Tanguay charge les entreprises chez qui prime la quête de profits sur la sécurité. Puis il tire une flèche sur le gouvernement fédéral, qu’il accuse de se contenter de normes molles, d’investir peu dans la chasse aux délinquants. Les rappels sont entrepris «volontairement» par les entreprises. Ottawa n’a pas le pouvoir d’en imposer. Mais Charles Tanguay n’exonère pas l’acheteur de jouet en quête d’aubaines, de petits prix. «On peut questionner notre réflexe de toujours chercher le moins cher.» »

L’acheteur en entreprise est pris dans un piège : trouver toujours moins cher pour pouvoir produire et vendre moins cher à des clients obsédés par le prix. Où est la limite ? Qui est responsable ? L’entreprise qui veut accroître ses ventes (et sa marge) ? Le consommateur qui estime que tout est pareil et papillonne entre les prix ? La volonté des gouvernements qui veulent augmenter le pouvoir d’achat…en accompagnant la baisse des prix ? L’acheteur qui justifie son travail par les gains qu’il obtient ? Peut-être un peu tout le monde.

Cela pose la question de l’éthique. Dans une entreprise avec des dirigeants mal intentionnés et des consommateurs naïfs (ou qui aiment y jouer), quelle est la marge morale de l’acheteur ? Jouer le jeu, en espérant ne pas se faire prendre ou dénoncer les pratiques, et être grillé sur une bonne partie du marché ?

Pas évident. J’ai travaillé il y a quelques années comme conseil dans le secteur du bâtiment. 60% des affaires sur la région parisienne étaient « pourries » (commissions obligatoires pour les architectes et les syndics) et 100% sur la côte d’azur. Depuis une série de procès ont apporté un peu de clarté sur ce marché. Mais la fin est triste : ce ne sont pas les « puristes » qui ont gagné. Les commissions existent toujours aujourd’hui, mais sous d’autres formes.

Alors, le comportement des acheteurs n’est-il que le reflet de la baisse de la moralité des affaires (ou bien est-ce un phénomène plus visible aujourd’hui) ?