Le coût de l’excellence (suite)

Nous continuons, dans ce billet, la publication d’une synthèse d’un livre de Vincent Gauléjac sur le coût de l’excellence. Aujourd’hui, l’impact de cette recherche de l’excellence sur la motivation et le mode de management.

le modèle managerial

Dans cette approche, la définition de l’homme managérial français repose sur deux modèles :

  1. Le premier étant celui du super cadre, libre, préservant une certaine distance à l’entreprise lui permettant de ne pas sacrifier sa vie personnelle.
  2. Le deuxième paradoxalement, est celui d’un homme de terrain devant être le plus possible vu sur son lieu de travail.

Ces deux modèles permettent de définir les nouveaux patrons dits branchés, ayant pour force motrice la lutte contre le stress et l‘angoisse, un besoin irrépressible de travailler traduit par une hyperactivité, et une volonté sans trêve de transformer tout ce qu’ils touchent en réussite.

Toutefois, dans un contexte de guerre économique, la réussite n’est plus assurée.

Les conséquences de cette logique de guerre économique au sein de l’entreprise sont identifiables sur trois niveaux.

  1. D’abord sur les personnes, pour lesquelles cette logique provoque une forte pression sur les individus qui, ne devant montrer de signe de faiblesse, doivent laisser de côté une partie d’eux-mêmes et développent des signes pathologiques de stress et d’angoisse.
  2. Ensuite, au niveau des entreprises, la guerre économique se traduit par une accélération du développement des processus d’adaptabilité et de réorganisation face au changement permanent, impliquant un surcroît de complexité.
  3. Enfin, au niveau de la société, cette logique provoque schématiquement, outre l’émergence d’un pouvoir diffus moins saisissable, deux courants en rupture. Le premier valorisant les individus performants, ceux qui ont le privilège d’intégrer les entreprises de l’excellence. Et le deuxième expose au contraire les exclus, ceux qui n’ont pu entrer dans ces entreprises.

Comment résoudre cette tension ?

Historiquement, les limites du Taylorisme ont tenté d’être résolus par le modèle autogestionnaire, voulant redonner aux travailleurs le pouvoir. Ce modèle autogestionnaire propose plus de participation des salariés et visant à atténuer la rupture conception/réalisation des modèles tayloriens. Les différences entre le modèle autogestionnaire et l’univers managérial sont au nombre de trois : L’autogestion est conçue comme tentative d’appropriation collective des moyens de production, alors que le modèle managérial se développe dans un système libéral.

  • La démocratie dans les entreprises autogestionnaires vise à favoriser la décision collective en relation directe avec les travailleurs, alors que dans l’univers managérial les processus de décision s’effectue par les hauts managers en relation avec les conseils d’administration.
  • Enfin, les rapports au travail sont également différents dans ces deux modèles. Dans l’autogestion, l’objectif était de remettre en question le pouvoir à l’intérieur de l’entreprise, et le temps consacré au travail. En revanche, dans l’univers managérial, l’homme, après avoir adhéré aux valeurs de l’entreprise, est entraîné dans une course à la performance sollicitant une forte implication, et avec l’espoir de trouver des signes de reconnaissance.

Contrairement aux entreprises tayloriennes qui brident l’esprit d’initiative et imposent la soumission des salariés aux injonctions du management, sans devoir attendre de signes gratifiants, les entreprises performantes managériales ont tenté de répondre aux besoins narcissiques de reconnaissance des agents, à l’identification à un ensemble de valeurs suite à la perte des modèles de référence, ainsi qu’à la nécessité de travailler dans un univers moins hiérarchique et rigide.