Faire appliquer ses décisions commence par savoir faire adopter une proposition en réunion

En entreprise, nombre de décisions sont prises ou entérinées en réunion. Malheureusement, les réunions à la « française » restent des réunions peu efficaces, entachées de jeux de pouvoir, de retards, de non-respects du planning, Un nouvel extrait de notre livre ‘Faire Appliquer ses décisions » (Gérard Rodach, Eyrolles, 2009)

Les spécificités des modes de décision en réunions

Vous avez peut-être joué à des jeux en formation comme celui de la NASA où vous devez, en équipe, classer des items par ordre d’importance pour votre survie (il existe des variations dans le désert, dans l’Himalaya, …). Vous avez éventuellement vu le film 12 hommes en colère, du réalisateur Sydney Lumet (1924- ), un film ancien (1957) mais qui repasse régulièrement à la télévision : un jury de douze personnes doit décider si l’accusé est coupable ou non. Au départ, tous les jurés sont convaincus qu’il est coupable. Un, toutefois, trouve cela trop évident. Il donne un vote favorable à l’accusé. Au fur et à mesure que les autres membres du jury tentent de le convaincre en décortiquant chaque preuve, le jury découvre que celle-ci n’est finalement pas valable. Le film montre les jeux de relations et de pouvoir dans un groupe. Tous ces jeux et films montrent la complexité de la décision collective. Ils soulignent que si en groupe la responsabilité est collective, les risques sont aussi bien plus analysés et disséqués. Les phénomènes de groupe peuvent conduire alors à des décisions plus risquées que celles qu’aurait prises individuellement chaque personne.

Pourquoi cette complexité ?

Irving Janis (1918-1990), professeur de psychologie aux USA, est l’inventeur du concept de « pensée de groupe » (« groupthink »). Le terme décrit le processus selon lequel les individus d’un groupe ont tendance à rechercher le consensus plutôt qu’à appréhender de manière réaliste la situation. Le danger d’un tel phénomène est que le groupe peut prendre de mauvaises décisions ou des décisions irrationnelles, même si les individus du groupe auraient personnellement pris une autre décision. Dans une telle situation de pensée de groupe, chaque membre essaye de conformer son opinion à ce qu’il croit être le consensus du groupe sans se poser la question de ce qui est réaliste. La conséquence est une situation dans laquelle le groupe finit par se mettre d’accord sur une action que chaque membre croit peu sage. De manière moins dramatique, le résultat peut être une décision collective qui ne satisfait personne, car elle n’est pas le résultat de la concertation des différents besoins de chaque individu.

Voici quelques symptômes de la pensée de groupe.

La pression de la conformité : Une forte pression est exercée sur les individus pour qu’ils s’alignent sur la volonté du groupe et pour qu’ils ne soient pas en désaccord avec lui, sinon ils sont écartés des débats, voire sanctionnés ou expulsés.

La transformation de l’opposant en stéréotype : Lorsqu’un opposant est considéré avec partialité ou avec des préjugés, ses affirmations qui contredisent les convictions du groupe sont ignorées.

L’autocensure : les membres du groupe préfèrent garder leurs opinions divergentes pour eux, plutôt que de déserter le navire.