Dans les Echos du 14 janvier 2014, Jean-Marc Vittori raconte la fable des îles Kerguelen : « Une mission scientifique d’une dizaine de personnes aurait, dit-on, été envoyée dans ces îles, à l’époque désertes, pour y faire des observations météorologiques. Mais un jour, quelqu’un s’avisa que les dépenses de la mission ne pouvaient pas être contrôlées. On envoya sur place un contrôleur financier qui demanda des états de dépenses, des justifications, des engagements, etc. : il fallut envoyer du personnel administratif. Pour gérer cette équipe, on envoya alors un directeur du personnel qui demanda des effectifs, des avancements, des congés, etc. ; il fallut envoyer à nouveau du personnel administratif. De fil en aiguille, le personnel passa en deux ans de 10 à 200 personnes ! Mais… entre-temps, la mission avait terminé sa tâche et les 10 experts étaient partis sans que, dans le va-et-vient incessant, personne ne s’en aperçoive » (1).
Si ce texte décrit le « phénomène administratif », il peut s’appliquer aussi tant à l’administration publique que privée et plus largement à toute collectivité, comme à chacun d’entre nous.
En effet, n’avons-nous pas tendance à nous encombrer de tâches et d’habitudes, qui souvent subsistent, même lorsque la cause originelle a disparu ?
Ainsi, vous aviez l’habitude de notre vos numéros de téléphone dans un répertoire jusqu’au jour où vous les avez entrés dans un smartphone. Oui, mais par sécurité, vous gardez les deux habitudes.
Certaines habitudes peuvent rassurer, mais globalement elles vous polluent et vous prennent beaucoup de temps. La dernière fois que vous avez déménagé, comment avez-vous vécu le tri que vous avez dû faire ?
Faites-en la liste et appréciez le temps que vous pourriez ainsi gagner.
Finalement, les déménagements de bureaux où on vous limite le volume de cartons ont du bon.
C’est aussi un phénomène culturel. En France, nous déménageons, en changeant de logement, quasiment tout. Aux USA, les américains vendent la majorité de leurs biens en les étalant sur leurs pelouses (cela s’appelle un « garage ») et déménagent avec seulement leurs vêtements et quelques biens personnels. Ils rachèteront tout sur place.
Alors, quand déménagez-vous vos habitudes ? Ce sera comme un ménage de printemps : vous vous sentirez plus léger.
NB : L’auteur de la fable des îles Kerguelen a aussi tracé deux dessins très explicites. Sur le premier, un homme tire une lourde charrette. Sur le second, trois hommes tirent la même charrette dans un sens et quatre dans l’autre. Le résultat physique est le même, le résultat psychologique est une montagne de frustrations.
(1) Le phénomène Administration. Contribution à la formulation mathématique de la loi de Parkinson, par Michel Martin, Annales des mines.