En 1903, à Albi, Jean Jaurès prononça un discours resté célèbre devant les lycéens d’Albi. Ce texte garde aujourd’hui toute sa force, tant sur le plan républicain que sur le plan professionnel. En voici un extrait où j’ai remplacé les références à la république par l’envie de progresser et de monter en compétences (en italiques dans le texte).
Mesdames, Messieurs, Jeunes élèves,
Il y a vingt-deux ans, je prononçais ici un discours sur le thème : les jugements humains. Ce qui reste vrai, à travers toutes nos misères, à travers toutes les injustices commises ou subies, c’est qu’il faut faire un large crédit à la nature humaine.
L’histoire enseigne aux hommes la difficulté des grandes tâches et la lenteur des accomplissements, mais elle justifie l’invincible espoir.
Dans notre France moderne, qu’est-ce donc que vouloir développer son professionnalisme ? C’est un grand acte de confiance. Et si votre parcours se vit dans un monde turbulent, c’est assurer que vous vous adapterez sans rien abandonner de votre fierté juste et sans atténuer l’éclat de son principe.
Les hommes qui vous ont précédés et formés en avaient conscience. Et pourtant que de vicissitudes et d’épreuves avant que votre professionnalisme soit reconnu et récompensé.
Une telle action de montée en compétences réussit parce qu’elle est ambitieuse, et l’homme ne peut s’élever sans avoir aussi une ambition. Ceux qui, depuis un siècle, ont mis très haut leur idéal ont été justifiés par l’histoire.
Qu’on ne nous accuse point d’abaisser et d’énerver les courages. Le courage, ce n’est pas de laisser aux mains de la force la solution des conflits que la raison peut résoudre ; car le courage est l’exaltation de l’homme, et ceci en est l’abdication. Le courage, c’est de ne pas livrer sa volonté au hasard des impressions et des forces ; c’est de garder dans les lassitudes inévitables l’habitude du travail et de l’action. Le courage dans le désordre infini de la vie qui nous sollicite de toutes parts, c’est de choisir un métier et de le bien faire, quel qu’il soit ; c’est de ne pas se rebuter du détail minutieux ou monotone ; c’est de devenir, autant que l’on peut, un technicien accompli. Le courage, c’est d’être tout ensemble, et quel que soit le métier, un praticien et un philosophe. Le courage, c’est de comprendre sa propre vie, de la préciser, de l’approfondir, de l’établir et de la coordonner cependant à la vie générale. Le courage, c’est de surveiller exactement sa machine à filer ou à tisser, pour qu’aucun fil ne se casse, et de préparer cependant un ordre social plus vaste et plus fraternel où la machine sera la servante commune des travailleurs libérés. Le courage, c’est de dominer ses propres fautes, d’en souffrir mais de n’en pas être accablé et de continuer son chemin. Le courage, c’est d’aller à l’idéal et de comprendre le réel; c’est d’agir et de se donner aux grandes causes sans savoir quelle récompense réserve à notre effort l’univers profond, ni s’il lui réserve une récompense. Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire ; c’est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe, et de ne pas faire écho, de notre âme, de notre bouche et de nos mains aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques.
Vive Jaurès !
Le texte original et complet du discours de Jean Jaurès : http://www.lours.org/default.asp?pid=100