Management à la japonaise : la vision de Murakami

Lincolore

Nous avons parlé la semaine dernière du management à la sicilienne basé sur la peur. Voici un extrait du dernier livre d’Haruki Murakami (L’incolore Tsuruku Tazaki, 10/18, 2015), un grand connaisseur de la société japonaise.

Au fil de l’histoire, le héros du livre va retrouver sa bande d’amis du lycée. 

Un de ses amis d’alors parle d’un de leurs amis communs :

Il a créé une société qui propose des formations en management intitulées « créatives-business-séminars ». Ce sont des séances, plus ou moins improvisées, de léger lavage de cerveau, destinés à former de bons soldats des entreprises.  À la place des textes sacrés, on utilise des manuels, à la place de la révélation ou du paradis, on vous promet la réussite ou de gros salaires annuels. C’est la nouvelle religion d’une époque pragmatique. Mais cette religion est dépourvue de transcendance, et tout y est chiffré correctement. C’est parfaitement clean, et facile à comprendre. Toutes les théories et les valeurs qui sont prônées là-dedans n’ont que cette objectif.

Plus tard, l’intéressé (le fondateur de l’entreprise) lui explique :

Une chose que m’a enseignée mes premières expériences de salarié : la plupart des hommes n’éprouvent aucune répugnance à recevoir des ordres des autres et à y obéir. Et même, ils sont plutôt contents d’être commandés. Bien sûr, ils rouspètent, mais ce n’est pas sérieux. Ils grognent juste par habitude. cela les plonge dans la confusion de penser avec leur propre tête, de prendre des responsabilités, des décisions.

Pour bâtir mon programme, je suis parti de mes expériences. J’y ai ajouté des techniques issues du développement personnel, de programmes en vogue aux USA et je me suis servi des manuels destinés aux nouvelles recrues de la SS ou chez les marines.

Notre objectif n’est pas de créer des espèces de zombies. Notre programme doit être scientifique, pragmatique et sophistiqué. C’est dans l’intérêt de l’entreprise que nous formions des travailleurs qui croient penser par eux-mêmes. Bien sûr, il y a pas mal de réfractaires à notre programme. Ceux-là se divisent en deux catégories. La première est composée d’individus antisociaux. Ces types-là refusent systématiquement d’être entraînés dans une démarche positive ou bien de s’adapter aux règles d’un groupe. Avec eux, on perd son temps. Dans l’autre catégorie, on trouve ceux qui, véritablement, sont capables de penser avec leur tête. Eux, on les laisse tels quels. Mieux vaut rester modeste et ne pas insister. Dans le meilleur des cas, ils occuperont plus tard une position dirigeante. Le reste, la grande majorité (85 %), acceptent les ordres venus d’en haut.

Qu’en est-il dans votre organisation ?