Un très beau texte de François Délivré sur le coach et la fatigue. Coach ou pas, à la lecture de ce texte, ne sommes-nous tous pas des coach (parfois) fatigués ? Prenez la liberté de remplacer le mot « coach » par celui de cadre, salarié, manager, collaborateur… (en bref, celui qui vous convient) et vous verrez si ce texte s’applique à vous.
Nous vivons dans un monde où la fatigue n’a pas bonne presse. Il « faut » être en forme, avoir de l’énergie, la « niaque », même s’il faut pour cela serrer les dents. C’est vrai dans la vie ordinaire dans laquelle on admire souvent les gens qui ont le « peps », qui sont résistants à la fatigue et en forme permanente comme le fameux « blond » de Gad Elmaleh. C’est aussi vrai dans le monde de l’entreprise dans lequel la pression est encore plus prégnante : la personne fatiguée n’y est pas bien vue et dans notre métier de coach, nous pouvons nous voir confier une mission en ce sens : « redonnez-lui de l’énergie », nous dit l’entreprise.
Dans le cas des très grandes fatigues personnelles ou professionnelles, la pression exercée par l’entourage pour rester énergique peut s’avérer insupportable si le sujet n’a même plus l’énergie… de faire ce qu’il faudrait pour retrouver un peu d’énergie. L’aidant d’une personne handicapée, par exemple, n’a parfois même plus l’énergie pour organiser les moments où il pourrait se ressourcer. C’est aussi l’un des signaux du « burnout ».
L’idéologie de l’énergie est en lien avec la vision nietzschéenne qui imprègne notre époque : en faire toujours plus, vivre toujours plus intensément. J’imagine même qu’il existe des « stages de repos » dans lequel on « travaille » à se reposer !
L’analyste transactionnelle Fanita English évoque à ce sujet trois pulsions fondamentales : la pulsion de survie, la pulsion de créativité́ et la pulsion de repos. Je trouve ce modèle très pertinent (S’épanouir tout au long de sa vie, Che 13).
Nous rencontrons fréquemment chez nos clients des méconnaissances de fatigue. Au niveau le plus grave, celui des stimuli, le client ne ressent même pas sa fatigue : « Fatigué ? Moi, pas du tout ! »
Lorsque la personne reconnaît sa fatigue, elle peut méconnaitre les problèmes que celle-ci pose. Typiquement, c’est la personne au volant sur l’autoroute qui ne veut pas s’arrêter quand elle sent la fatigue, au risque de l’accident. Dans l’entreprise, le client dit qu’il est fatigué mais que ce n’est pas un problème. Elle peut aussi, pour les managers, consister à sous-estimer la fatigue des collaborateurs. Que faire ? Pousser les personnes ou les équipes pour qu’elles donnent le meilleur d’elles-mêmes ou bien accepter la fatigue. Le coaching peut les aider à discerner.
A un troisième niveau, le client reconnaît qu’il est fatigué et que cela pose problème mais il pense qu’il ne peut pas faire autrement. Il faut qu’il serre les dents, qu’il finisse son projet avant de songer à se reposer etc. Cette problématique est accentuée chez les personnalités ayant un driver « sois parfait » (= recherche de la perfection).
On peut espérer que, grâce à son développement personnel, un coach ne rentre pas dans ces méconnaissances et qu’il discerne à quel moment il entre en sauvetage parce qu’il dépasse ses propres limites en fatigue.
Avant une séance de coaching, le problème se pose pour le coach de savoir s’il faut indiquer au client que lui-même est fatigué, par exemple qu’il a passé́ une nuit blanche. Pour ma part, j’estime qu’il est précieux de donner l’information au client afin qu’il ne se méprenne pas sur les éventuelles manifestations de notre fatigue en cours de séance. Donc, dire : « je vous donne l’information : j’ai passé́ une nuit blanche. Si jamais vous me voyez bailler, ce n’est pas que vous m’ennuyez, c’est que j’ai des accès de sommeil ».
Pendant la séance, la question est de savoir si la fatigue ressentie par le coach est le signe d’un processus parallèle. Certaines personnalités sont « ennuyeuses » ou peuvent dégager une contre énergie qui fatigue. En ce cas, la fatigue du coach en cours de séance en serait le reflet. La question est potentiellement à aborder par le coach, en lien avec le contrat, en effectuant une méta communication et en émettant l’hypothèse que le même processus se répète pour le client dans l’entreprise. Mais je le reconnais : ce n’est pas facile pour un coach de dire à son client que l’on baille à cause de lui !
Après la séance, certains coachs naturellement résistants à la fatigue continuent leur travail. D’autres ont besoin d’un moment pour souffler. Pour tous, il me semble judicieux de s’interroger sur la raison d’une fatigue post-séance : est-ce un matériau qui aurait une signification pour la séance qui vient d’avoir lieu ?
Nous sommes tous des coachs (cadres, salariés…) avec des situations de fatigue. Savons-nous les gérer ?
En tout cas, je vous invite à suivre le très beau et inspirant blog de François Délivré.