Pourquoi allons-nous au bureau ?

L’événement de l’année 2020 a été, pour bon nombre de personnes, le fait de ne plus aller au bureau ou mieux encore, pour être précis, le fait de travailler sans être nécessairement au bureau.

Vous pouvez aimer ou pas, en redemander ou en avoir assez, mais au fait, pourquoi allons nous au bureau ?

Je vous invite, pour répondre à cette question, tout d’abord à repartir de l’histoire du bureau.

Jusqu’à la fin du moyen-âge, les bureaux se situaient dans le palais ou dans les temples (à la fois centre d’éducation et de gestion). Les bureaux jouent alors une fonction de gestion financière.

Le premier bâtiment construit spécifiquement dans ce but est le Palazzio Uffizi (vers 1560) à Florence (mot italien pour offices). Il a  été construit parce que le Palais Vecchio où les Medicis habitaient et géraient leur fortune était devenu trop petit. Il consistait en une série de grandes pièces séparées par un couloir.

Le véritable changement se produit vers le 18 / 19ème siècle avec la révolution industrielle. Le travail qui se déroulait dans les champs ou chez soi tend à se regrouper dans des usines où se créent des entités distinctes : l’usine, les bureaux, le réfectoire…   Cette transition a été progressive et de nombreuses de production se faisaient en sous-traitance au domicile des paysans. Travailler chez soi n’est pas une nouveauté mais un retour.

Cette montée en puissance des bureaux se fit progressivement. Dans les années1820, « l’Equitable Society of London », alors la plus grande compagnie d’assurances du monde,  étaient gérées par huit rédacteurs.

De même que c’est l’invention de la machine à vapeur qui a permis l’apparition de véritables usines, c’est grâce à l’invention du téléphone et du télégraphe  que les bureaux purent se désolidariser des usines. Le développement de l’éclairage électrique, de la machine à écrire et des machines à calculer permettront le traitement de grands volumes de données de manière efficace. Progressivement, les  bureaux vont grossier et se désolidariser des usines, même s’ils en ont adopté l’organisation.

En pratique, les banques et assurances ont longtemps été organisés comme des usines de traitement de données.  En 1896, la division contrôle de la  « Metropolitan Life Insurance » de New York avait déjà 550 employés.  En 1914, ils étaient déjà 1 .100 !

Le fait de rassembler et de faire travailler côte-à-côte des milliers de personne permettaient à la fois de baisser le coût des transactions et de contrôler le travail.

Les évolutions dans les techniques de construction et le coût croissant des terrains jouèrent dans la forme des bâtiments : de vastes tours avec de grands plateaux de travail. L’invention de l’ascenseur par Elisha Otis (1811-1861) en 1852 donna le coup d’accélérateur.

Le premier immeuble de bureaux, tels que nous les connaissons est celui de Larkin (Buffalo, État de NY) construit par Frank Lloyd Wright (architecte américain, 1867-1959). Il offrait des aspects révolutionnaires, pour l’époque, comme de vastes plans, le chauffage central ou la centralisation de la ventilation.

Les techniques de constructions permirent aussi de satisfaire le besoin humain d’affirmer son pouvoir et son importance.  Les immeubles se firent de plus en plus massifs et / ou hauts, engendrant une compétition entre les organisations à qui auraient la plus grande, la plus haute ou la plus originale construction. Que ce soit à Manhattan ou à la Défense, la proclamation du nom sur la façade joue un rôle dans la culture d’entreprise.

De même, c’est dès que cette époque que se développa la culture de l’espace : les dirigeants au sommet des bâtiments, la taille du bureau et leur localisation en fonction du rang dans l’entreprise. Toute une culture managériale se développa autour de ces concepts (elle est encore fortement présente dans les bâtiments anciens) que ce soit en termes d’apparats ou de contrôle. .

La culture du bureau s’est donc développée autour de quelques concepts comme par exemple : le volume de données à traiter, le symbole de puissance, la volonté de contrôle…

Est-ce toujours d’actualité ? Est-ce que cela suffira à nous faire revenir au bureau ? Nous en reparlerons la semaine prochaine.

Source : Gérard  Rodach, Plus de Bureaux, ESF 2014