Il y a une histoire que j’aime beaucoup : c’est celle de la fourmi. Elle a 6 pattes. Ce doit être important et pourtant quand on enlève successivement ses pattes, elle continue à avancer vaille que vaille. Alors pourquoi ne pas lui enlever la dernière patte. Et là bizarrement elle refuse d’avancer. Des spécialistes en ont conclu qu’elle était devenue sourde.
C’est un peu le cas des managers de proximité aujourd’hui à qui il ne reste souvent qu’une patte.
Le Covid tant par son impact sur l’activité des organisations que par celui du télétravail joue un rôle clé dans la réflexion suivante : finalement, un petit nombre de leaders ont pu prendre rapidement des décisions stratégiques et les faire appliquer par les équipes au contact des clients = cela a permis aux organisations de survivre. Donc, pourquoi continuer à s’embarrasser de piles de managers qui a minima ralentissent la mise en œuvre des actions quand ils ne les torpillent pas ?
Depuis une trentaine d’années, les organisations se veulent toujours plus plates pour être plus rapides et plus réactives. Les managers de proximité ont vu les couches hiérarchiques se réduire. Si au départ, il y avait du « gras » hérité de l’époque où le travail était standardisé et les horizons à long terme, très vite les managers ont senti l’effet « fourmi » et n’ont pu avancer qu’en rampant. La réflexion actuelle liée au COVID n’est que la nième étape de ce processus.
Ce n’est la dernière parce que l’arrivée en cours de l’Intelligence Artificielle, du Machine Learning et autres outils statistiques va encore bousculer les méthodes actuelles. Donc si le management de proximité est condamné à rester comme tel, sa valeur ajoutée (autre qu’administrative) semble quasi nulle.
Et pourtant, il y a encore de l’espoir. Cela dépend de trois facteurs.
De l’environnement d’abord. La technique n’a jamais totalement remplacé l’humain. Qui n’a jamais bataillé avec les boites vocales des service clients ? Le numérique à tout va connaît une frontière réelle avec les personnes peu habitués à l’univers informatique (et il n’y a pas que les vieux et les non-francophones qui soient concernés) ? Or, dans ce contexte le managers de proximité jouent un rôle clé pour adapter selon les cas la démarche. Je connais un grand opérateur Telecom qui a ouvert discrètement un service client à son siège, parce qu’il y avait tellement de clients mécontents qui venaient faire un scandale au siège social par manque d’interlocuteurs compétents en ligne.
Des grands chefs ensuite, s’ils veulent bien donner un peu d’autonomie et surtout un rôle de leader avec une marge de manœuvre à leur management de proximité. Celui-ci est souvent incapable de porter le sens auprès de leurs équipes et est englué dans des tâches de reporting.
Des managers de proximité enfin qui ont souvent perdu (ce n’est entièrement de leur faute) l’un des sens premier de leurs missions : coacher et faire monter en compétences leurs collaborateurs. J’ai animé dernièrement une formation où managers et collaborateurs se voyaient demander de définir deux axes de progrès. Très peu de managers, qui pourtant étaient informés et en plus avaient suivi le parcours, en ont débattu avec leurs collaborateurs. Pas le temps ! Et après, quand on leur demandait l’impact de la formation, leurs réponses étaient « bof !». Sans commentaires.
Qui commence quoi ?
Et vous lecteurs, vivez-vous de telles situations ?