Humanocracy et la dimension du savoir

Gary Hamel et Michel Zanini ont sorti l’été dernier un livre qui souligne, pour la nième fois, l’importance dans notre monde du travail de sortir d’un système bureaucratique pour aller vers une approche plus entrepreneuriale.

Si l’analyse est intéressante, les recettes proposées peuvent être discutées surtout qu’il manque à mon avis une clé importante.

Trois constats intéressants :

  • En 1988, Peter Drucker, un guru du management prédisait que nous entrions dans une société de la connaissance et qu’il fallait s’attendre à une réduction des couches hiérarchiques et à un tiers de managers en moins dans les 20 années suivantes (soit en 2008).
  • Le premier constat des auteurs est que depuis 2003 à aujourd’hui, le nombre de managers a doublé, alors que les strates hiérarchiques ont bien diminué.
  • Bien plus, cela s’est produit dans un contexte où le nombre d’employés a seulement augmenté de 40%.

Une belle démonstration de la résistance du système bureaucratique. Pas étonnant que la proportion de collaborateurs motivés et engagés ne dépassent guère les 15 à 30% dans la majorité des grandes organisations.

La solution proposée par les auteurs tient en quatre points :

  • Changer la conception du mérite : passer d’un système où le mérite est lié à la position dans la hiérarchie à celui où c’est la contribution à l’organisation qui prévaut.
  • Sortir la hiérarchie d’un rôle d’autorité pour le faire évoluer vers celui de sagesse.
  • Corréler rétribution financière avec contribution
  • Et enfin favoriser le travail entre pairs.

En somme, donner plus d’autonomie (et de droit à l’erreur) aux premières lignes en contact avec la réalité et restreindre le pouvoir hiérarchique à celui de facilitateur. Nous retrouvons là les clés des approches autour de l’entreprise libérée.

Il manque à mon avis une clé : celle du transfert et du partage de savoir. Elle est bien sûr inscrite en filigrane derrière cette démarche, mais elle est plus à mettre en avant. Dans notre culture en France, le savoir est encore étroitement associé au pouvoir. Donner (ou partager) son savoir est souvent connoté comme un risque de perdre son job. Malheureusement, ce n’est pas faux  et de nombreuses personnes en ont fait les frais.

Pourtant, cette rétention du savoir est aussi un piège : d’une part l’expert est tellement sollicité qu’il n’a guère le temps de renouveler son savoir et d’autre part, les savoirs se périment de plus en plus vite.

La base de la réussite, dans ces conditions, passe par un contrat qui donne du sens à cette démarche. Le sachant qui diffuse son savoir échange celui-ci contre d’autres perspectives (élargir son savoir, nouvelles responsabilités dans de nouveaux champs connexes…).

Au final, ce qui ne ressort pas assez à mon avis dans ce livre  c’est comment donner du sens à cette démarche et le contrat « stable » qui permette aux sachants de se sentir en confiance.