Pouvez-vous changer de forme de management sans vous tirer une balle dans le pied ?

François Pichault est professeur à HEC-Liège et est spécialisé dans les processus de changement et les structures des organisations. Il est interviewé dans le cadre d’un Mooc « Gérer son esprit autrement » réalisé par l’Université de Liège. Il nous parle ici de son expérience à propos des formes innovantes de management et d’organisation 

Beaucoup d’entreprises ont aujourd’hui pour développer des nouveaux modèles de management plus flexibles, moins hiérarchisés, plus souples, plus transversaux, évitant les « silos », essayant de créer davantage de transversalité́ dans leur organisation, appelant davantage à l’initiative des collaborateurs, reposant sur la confiance, …  Les entreprises cherchent depuis longtemps des formules alternatives.

Ce n’est pas si simple. Sinon ça se saurait. Il faut toujours prendre en compte deux autres éléments. C’est : « Quel est le contexte dans lequel cette formule de management est née ? » Et d’autre part, une autre variable que nous appelons : « le processus » = la manière de changer.

Beaucoup de projets de changement en termes de management partent d’une très bonne idée. En fait, la façon dont on va s’y prendre est une façon très «top-down», très «à court terme». On reproduit inconsciemment d’une certaine manière des modèles très hiérarchisés dans la mise en œuvre. Et donc on se tire une balle dans le pied.

C’est en pensant de manière permanente l’interaction qu’il y a entre le contenu qu’on cherche à atteindre, le contexte de l’entreprise dans lequel on essaye de transférer ces modes de management et le processus par lequel on va y aller qu’on peut réussir à faire des transformations dans des organisations. Trop de changements échouent parce que simplement on se dit : « si ça marche ici, on fait un copié-collé et ça devrait marcher là-bas ». Malheureusement ce n’est pas si simple.

On a acquis progressivement la conviction que les processus de changement qui fonctionnent bien ce sont les processus où on est capable de problématiser, c’est-à-dire de définir le ou les problèmes à résoudre. C’est une opération qui prend du temps parce que chaque partie prenante a une vision différente. Et donc, tout processus de changement nécessite que l’on se penche sur les problèmes à résoudre.

Ce qui me frappe souvent dans ces projets de changement c’est qu’on a la solution et puis on se dit : « Mais, c’est quoi le problème » ? « Le problème… Tout le monde est d’accord. C’est pour qu’on soit plus efficace, mieux en relation avec le client, plus souple, plus flexible ». Non ce n’est pas nécessairement un problème pour tout le monde. Et donc, il y a certains qui disent : « On doit être plus flexible ». Mais pourquoi faut-il être plus flexible ? Quelle est la raison d’être de la flexibilité́ ? Les salariés peut-être sont d’accord d’être plus flexibles si par ailleurs il y a en échange des nouvelles formes de sécurisation que l’on peut trouver. Et si on a une façon « polyphonique » de définir le problème, cela peut prendre un peu de temps en début de parcours. Mais c’est du temps, que j’estime, pas perdu. Parce que dans cette étape de définition du problème, on a identifié́ un peu les différents groupes d’acteurs en présence. C’est très important de pouvoir embarquer l’ensemble des collaborateurs.

Comment embarquer les collaborateurs ? Je vous renvoie à mon livre « Manager en période de changement ».