Pendant très longtemps, la diffusion d’un savoir passa par un maître. Aujourd’hui, Internet a révolutionné l’apprentissage du savoir en donnant un accès quasi gratuit et illimité au savoir. Vous pouvez apprendre tout ce que vous souhaitez sur le net.Le rôle du maître a-t-il alors vécu ? La question est complexe. Pour l’aborder, je voudrai parler de l’expérience de Joseph Jacotot (1770-1840) et de ses trois principes pédagogiques.
Au début du XIXème siècle, Joseph Jacotot est nommé professeur de littérature à Louvain (Belgique flamande). Problème : il ne connaît ni le flamand (et ses élèves ne parlent pas le français), ni la littérature.
Premier principe : « seul le maître qui, parce qu’il ignore, oblige l’autre à trouver par lui-même, est un maître émancipateur » (J. Jacotot).
Il va donner à ses élèves un livre bilingue (le Télémaque de Fénelon) et va les aider à s’approprier non seulement le livre, mais aussi le français. Quelques mois plus tard, les étudiants étaient de rédiger dans un français honorable.
Deuxième principe : l’œuvre unique. « Sachez un livre, rapportez-y tous les autres, voilà ma méthode ».
C’est à l’apprenant de procéder çà un travail d’apprentissage, de réélaboration et de construction pour acquérir le contenu.
Et surtout, les compétences développées à cette occasion lui permettent de les transposer à d’autres livres et d’autres auteurs.
Troisième principe : l’égalité des intelligences.
Au lieu de se mettre en position de sachant devant des « ignorants (et d’être selon ses mots un « maître dominateur » qui infantilise son auditoire), il se met à leur niveau et devient un « maître émancipateur », quelqu’un qui pratique à la manière de Socrate, la maïeutique (= l’art d’accoucher les esprits, l’art de faire que les autres trouvent par eux-mêmes).
C’était une position révolutionnaire à l’époque.
Cela l’est encore aujourd’hui, mais cela pourrait devenir un nouveau standard avec la diffusion des connaissances via le net.
Un premier exemple : les enseignants au Lycée ou à la Fac sont constamment challengés aujourd’hui par des étudiants qui vérifient et enrichissent ses propos via leurs recherches instantanés sur Google.
Un deuxième exemple : en entreprise, les approches blended learning modifient le rapport formateur / apprenant. Ainsi nous encourageons des experts à transmettre leur savoir en leur faisant construire eux-mêmes leurs démarches. Nous sommes incapable de comprendre leurs problématiques techniques, nous les faisons choisir les méthodes ad hoc et nous les faisons monter en compétences en leur faisant découvrir que le projet pratique sur lequel ils ont choisi de travailler leur a donné une méthode facilement transposable sur nombre de sujets.