Lisez en vacances !

Vive les vacances ! En vacances, vous avez le libre choix de vous ennuyer, de lire, de marcher, de méditer, d’écouter avant de reprendre en tirant parti de ce que vous en avez retenu.

Aujourd’hui quelques suggestions pour lire 

La mauvaise nouvelle est que la majorité des lecteurs de cet article n’iront pas jusqu’au bout. Dès que l’on se met à parler de livres ou de quelque texte que ce soit d’une certaine longueur, il se trouve toujours une personne pour expliquer qu’Internet a réduit ses capacités de concentration. D’abord agacé, vous vous rendez ensuite compte que vous semblez souffrir des mêmes symptômes.

 En effet, plusieurs études ont récemment montré que les gens lisent différemment sur écran que sur papier. Nous survolons le texte à la recherche de l’information souhaitée au lieu de commencer au début et de tout lire jusqu’à la fin. Nos yeux sautent d’un endroit à l’autre, attirés par les liens et les lignes courtes bordées d’espaces blancs. Nous lisons plus vite.

 Et ce n’est pas seulement la chorégraphie de la lecture qui change lorsque l’encre cède la place aux pixels. C’est la manière dont nous appréhendons, dont nous intégrons et dont nous nous souvenons du contenu. Dans une étude, des étudiants qui ont lu un texte sur papier ont mieux réussi à en résumer l’intrigue que ceux qui l’ont lu sur une liseuse électronique.

 En outre, plus prosaïquement, il faut reconnaître qu’il est beaucoup plus difficile de se concentrer lorsque l’on lit en ligne. Vos emails, votre messagerie instantanée, vos réseaux sociaux et une infinité de contenus plus tentants les uns que les autres se trouvent à simple portée de clic. Les gens disent se sentir plus impatients lorsqu’ils lisent sur ordinateur. En lecture comme dans d’autres domaines, l’époque est marquée par le FOMO (« Fear Of Missing Out », la peur de «louper quelque chose») et la recherche incessante de nouveauté.

 La solution se résume peut-être donc tout simplement à éteindre nos ordinateurs et à ouvrir des livres.

 Pourtant, si le Web a pris, le Web a aussi donné. La bonne nouvelle, c’est que nous lisons tous plus. Grâce à Internet, les mots sont partout. Les livres électroniques sont fins, légers et rentables. Notre rythme de lecture accru nous permet de lire plus de choses. Et, bien entendu, il faut y ajouter l’ampleur des connaissances mises à disposition.

Pour expliquer ce sentiment de perte de concentration, des chercheurs ont avancé l’hypothèse que la lecture plaisir nécessite un engagement profond envers le texte et donc une attention soutenue et linéaire, comme celle que permettent les livres papier. En d’autres termes, nous regrettons en fait une forme très spécifique de lecture (et c’est précisément cette forme qui nous semble hors de portée lorsque nous sommes en ligne).

Cela n’est pas vrai pour tout le monde. 52% des enfants d’aujourd’hui de 8 à 16 ans préfèrent les écrans aux livres, sans que leur compréhension et leur attention ne semblent altérées par le support.

 Il y a quelque chose de rassurant à voir que les enfants qui ont grandi dans un environnement riche en informatique savent s’y repérer mieux que nous. De même, il est bon de voir que tant de gens ont commencé à reconquérir la lecture. Cela ne sert à rien de pester contre la technologie. Savourons plutôt les fruits de notre époque incroyablement verbale. Et pourtant. Je me demande vraiment si, en passant une bonne partie de ma vie en ligne ces dernières années, ma relation au texte —surtout les longs textes dans lesquels on peut se perdre— ne s’est pas un peu détériorée. On appelle ça l’insécurité du lecteur. Ça vous fait ça aussi ?

 Extraits d’un article de Katy Waldman publié sur Slate.fr

Publié le 12 décembre 2014