Avons-nous changé ?

Sur une période d’environ huit ans, nous suivons quelques adolescents d’une ville de Lorraine, une ancienne ville métallurgique qui se reconstruit lentement. Parmi les héros du livre, il y a des familles modestes qui ont été bousculé par la fin de la sidérurgie, des bourgeois, des immigrés, …


Le livre se lit à trois niveaux : celui, tout d’abord, du quotidien des jeunes dans une « petite » ville dans les années 90, le désœuvrement (les périodes choisies sont toujours en été, en pleine chaleur), les relations amoureuses, les liens croisés (dans une petite ville, tout le monde se connait)… Nous les voyons se construire, se remettre en cause, et puis, progressivement entrer dans l’âge adulte avec les responsabilités. C’est bien fait, mais un peu cliché : l’immigré est dealer, la petite bourgeoise s’encanaille et les petits loubards font des coups. 

Le deuxième niveau est celui de la construction de leur futur. Leur destin semble tracé sous l’influence de leurs parents qui les y préparent ou pas. Pour avoir pas mal circulé en France dans de telles villes et croisés des jeunes similaires, je trouve cela à la fois réalistes mais aussi fatalistes. li y a à ce niveau un sentiment de mélancolie et de fatalisme à la Bourdieu (sociologue). Pour Bourdieu, seuls quelques transfuges échappent à leur condition de classes. Pourtant, il n’y a jamais autant de possibilités d’une deuxième chance et de rebondir plus tard. Encore faut-il y avoir envie et des conditions favorables. L’influence des femmes sur les hommes et réciproquement joue un rôle. 

Le troisième niveau est celui de la société : il y a les chefs ou futurs chefs et la plèbe. Certains, en faisant les grandes écoles, atteindront les sommets quand la grande masse végétera. L’analyse est intéressante. On retrouve les idées de J. Campbell sur le destin du héros. Tout le monde n’est pas fait pour le parcours du héros. Certains vrilleront et finiront perdants quand le grand nombre vivra tranquillement à l’ombre du clocher (dixit Campbell). C’est justement là où je ne partage pas avec l’auteur. Un grand nombre de personnes vivent bien de cette manière, développent des activités secondaires (bénévolat, jardinage, sports…) qui les gratifient et sont heureux. Il y a beaucoup de gens qui ne veulent pas forcément quitter leur ville pour « réussir ». C’est peut-être plus dur qu’autrefois parce que les emplois sont moins stables et les feuilles de paie plus fines, mais cela fonctionne, même si cela induit des réactions comme les gilets jaunes.

Un livre nostalgique, bien mené et qui fait réfléchir. Avons-nous changé depuis ?