Croyez-vous en saint Matthieu ? en Matilda ?

Blog semaine 11 effet saint matthieu

L’effet (Saint) Matthieu a été repéré il y a 50 ans par le sociologue américain Merton. La citation canonique est la suivante : » «  À celui qui a, il sera beaucoup donné et il vivra dans l’abondance, mais à celui qui n’a rien, il sera tout pris, même ce qu’il possédait.  » (25:29).

Merton a utilisé cette référence évangélique pour illustrer comment les chercheurs et les universités les plus reconnus maintenaient leur domination sur le monde de la recherche en captant au titre d’une excellence temporaire la majorité des crédits des promotions et des recrutements. Une fois installés ils ont la possibilité de bétonner des positions inexpugnables quelles que soient leurs performances ultérieures.

 Cela n’est pas l’exclusivité de la science. Cela se retrouve aussi en entreprise où les plus connus accaparent les meilleurs projets et les crédits.

 Les « perdants » de ce processus sont souvent, au contraire, des figures marginales dépourvues de positions solides, d’une localisation centrale ou sont moins bien établis et susceptibles de se battre pour eux ou de protester contre leur exclusion, ce qui montre que le savoir-faire politique peut jouer un rôle au moins aussi important que les travaux eux-mêmes dans la fabrication des mythes scientifiques.

 On n’a pas accordé le même intérêt à ce phénomène décrit dans la seconde moitié de la parabole alors qu’il se produit assez couramment, en particulier dans la longue histoire de la présence des femmes dans les sciences. Au lieu, comme les sociologues l’ont fait jusqu’à maintenant, de la nier, il faut reconnaître, faire remarquer et mettre en lumière le sexisme qui préside à la dévalorisation systématique des femmes dans la sociologie de la connaissance ou de la science, comme un « effet » nommé.

L’honneur revient à l’Américaine Matilda J. Gage, de l’État de New York, d’avoir la première formulé (mais hélas, également vécu) au XIXème Siècle ce que nous pouvons appeler ici, en sa mémoire, l’« Effet Matilda ». Attirer l’attention sur elle, et sur cette tendance, qui remonte à des siècles, incitera et aidera peut-être les universitaires d’aujourd’hui et de demain à écrire une histoire et une sociologie des sciences plus équitable et plus précise, ce qui implique de ne plus passer sous silence toutes les « Matilda », mais aussi d’appeler l’attention sur davantage d’entre elles encore.

 Et vous ? Croyez-vous en l’effet Matthieu ? En l’effet Matilda ? Le vivez-vous ?

 http://blogs.mediapart.fr/blog/robert-marty/310810/leffet-matthieu
http://cedref.revues.org/503