A partir du 9 juin, retour progressif dans les entreprises. Retour au monde d’avant ou nouveau monde ? Est-ce si facile de changer ? Relisez cette fable de Bernard Mandeville qui l’a publié en 1705 sous le titre de «La Fable des abeilles, ou les vices privés font le bien public». Cette histoire décrit la société de l’époque sous la forme d’une ruche dont les actions de ses habitantes étaient conduites uniquement par l’égoïsme. Une métaphore qui reste riche d’enseignements au XXIe siècle dans le cadre de l’entreprise.
Cette histoire décrit la société anglaise, mais aussi plus largement la société de l’époque, sous la forme d’une ruche composée d’un grand nombre d’abeilles. Vivant dans le confort et le luxe, «elle était, aux yeux de tous, la mère la plus féconde des sciences et de l’industrie».
Cette ruche avait toutefois une singularité : toutes les actions de ses habitantes étaient conduites par l’égoïsme. Et les plus riches d’entre elles exploitaient les plus pauvres afin de nourrir leurs convoitises et leurs vanités. Elles consommaient ainsi beaucoup de produits et services de luxe (mets, meubles, vêtements…), ce qui donnait du travail aux autres.
«La fertile ruche était remplie d’une multitude prodigieuse d’habitants, dont le grand nombre contribuait même à la prospérité commune. Des millions étaient occupés à satisfaire la vanité et l’ambition d’autres abeilles.»
Dans cette société, prospéraient les êtres les plus vicieux et « tous ceux qui, ennemis du simple travail, se débrouillent pour détourner à leur profit le labeur de leur prochain, brave homme sans défiance».
Les avocats, par exemple, s’arrangeaient pour ne pas résoudre les affaires et même augmenter les querelles, afin d’avoir plus de travail. Les médecins ne guérissaient pas entièrement les malades, afin d’avoir des salles d’attente bien remplies. Et étonnamment, cette société était prospère et vivait dans l’abondance…
«Dans tous les métiers et toutes les conditions, il y avait de la fourberie. […] C’est ainsi que chaque ordre était rempli de vices, mais la Nation même jouissait d’une heureuse prospérité.»
Tout semblait aller très bien, si l’on peut dire… Jusqu’au jour où se produisit une véritable tragédie : les abeilles décidèrent de devenir honnêtes ! Le problème, c’est qu’en abandonnant leur mauvaise conduite, toute la structure sur laquelle reposait leur société se déstabilisa.
En ½ heure, les prix s’effondrèrent, car les marchands se mirent à vendre au juste prix. Les patients guérirent, et nombre de médecins durent fermer leur cabinet.
Comme il n’y avait plus de conflits, les tribunaux et les prisons se vidèrent. Ce qui envoya de facto au chômage avocats, huissiers et juges. Dans les administrations et les entreprises, ce qui était fait autrefois par 3 ou 4 personnes était fait maintenant par une seule, et le nombre de sans-emplois augmenta considérablement.
Les abeilles décidèrent de ne plus dépenser inutilement, et la consommation chuta, essentiellement celle du luxe et de l’ostentatoire, économie qui nourrissait le plus grand nombre. On ne construisait plus de grandes et belles demeures, et les ouvriers perdirent à leur tour leur emploi, etc., etc.
Résultat : l’économie s’effondra rapidement, et ce fut la ruine de toute cette société.
Mandeville va en conclure que l’égoïsme est une des conditions de la prospérité :
«Il faut que la fraude, le luxe et la vanité subsistent, si nous voulons en retirer les doux fruits. […] Le vice est aussi nécessaire dans un État florissant que la faim est nécessaire pour nous obliger à manger. Il est impossible que la vertu seule rende jamais une Nation célèbre et glorieuse».
Cette conclusion fit scandale à l’époque, à tel point que John Wesley le dénonça comme un dépravé comparable à Machiavel, et les religieux renommeront Mandeville : «Man-Devil».
Toutefois, cette fable reste riche d’enseignement, et Fabrice Lamirault (dans les Echos) en extrait une idée principale qui concerne le mode de fonctionnement de nos entreprises et la valorisation des employés. Il y a :
1) D’un côté, les véritables combattants : les abeilles qui ont la culture du résultat et la volonté de faire réussir les projets, Problème : leur engagement peut attirer la jalousie de certains collègues ou supérieurs, et ces collaborateurs sont bien souvent sacrifiés par jalousie sur l’autel de la réussite.
2) De l’autre côté, les employés moins engagés : les bourdons. Ce sont souvent eux qui reçoivent les lauriers lorsqu’un projet réussit, car ils parviennent à faire le moins d’ombre possible à leur entourage tout en écartant les abeilles trop actives autour
Alors, voici trois conseils:
1) Identifier vos «abeilles» et vos «bourdons» et soutenez les premières.
2) Passez en mode start-up ! Limitez l’effet pyramidal, favorisez l’épanouissement de vos salariés (notamment les abeilles) et faites les travailler dans des bonnes conditions.
3) Valorisez les efforts de vos collaborateurs
Source : https://www.lesechos.fr/