Le leader est à la mode. Les stages de management sont remplacés par le leadership. Pourtant, devenir un leader n’est pas nécessairement signe d’épanouissement. Il y a leader et leader.
Voici comment Pierre Ducrozet dans son livre sur Basquiat, décrit sa montée… et sa chute. Cela peut paraître caricatural, mais nombre de leaders sont de ce type.
Le garçon a été blessé, un jour, très tôt, sans doute avant la cicatrice que l’on peut voir aujourd’hui sur son ventre, et chacun des coups qu’il a reçus par la suite a creusé un peu plus la première blessure. On n’en connaîtra sans doute jamais l’origine, peut-être est-il né avec tout simplement. Peu importe au fond. Toujours est-il qu’elle se creuse. Les coups se succèdent. Il ne parvient plus à les éviter. Quelque chose en lui les rechercherait presque. Il savait, comme Roland dans les Pyrénées, que la bataille serait « merveilleuse et totale ». Il a jailli le premier. Il a donné de coups, paré, redoublé les attaques. Il a percé la muraille – impensable, lui le garçon aux dreadlocks- il est devenu un immense artiste, reconnu, adulé, prolifique. Il a battu les troupes. Mais il est seul dans le donjon. Les armées montent de toutes parts, il a froid, sa cuirasse est fendue, il est affamé, et il n’a plus d’alliés. Comment est-il possible qu’il soit là, au sommet du château réputé imprenable, vainqueur de toutes ces armées, et qu’il soit seul ? C’est insensé. Personne vers la sortie sous les douves pour surveiller ses arrières. Personne, et pas une seule provision.
Le garçon prend le téléphone. Il compose un numéro. Cela sonne dans le vide. Un autre numéro. Bip bip. Il repose le combiné soulagé. Au premier bip il avait senti qu’il ne voulait en aucun cas parler avec quelqu’un.
Source : Pierre Ducrozet, Eroica, Babel Acte Sud